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L’embarrassant Monsieur Polanski

Frédéric Mitterrand et l’élite culturelle, le bling-bling politico-artistico-médiatique qui partent à la rescousse d’un people pédophile en cavale? L’affaire Polanski continue de défrayer la chronique après la décision de la justice de maintenir le cinéaste franco-polonais en détention à Zurich

Frédéric Mitterrand et l’élite culturelle qui partent à la rescousse d’un people pédophile en cavale? L’affaire Polanski continue de défrayer la chronique après la décision de la justice de maintenir le cinéaste franco-polonais en détention à Zurich.

L’affaire Polanski? Carrière brisée et vindicte populaire. Ce que Le Figaro qualifie de «lynchage médiatique», pendant que Le Post se gausse du fait que «selon les autorités helvètes, le risque d’évasion serait trop élevé…» Plus spectaculaire, un malaise, lundi sur le plateau d’Yves Calvi, écrit Le Point, pendant «Mots croisés» sur France 2. Bouches bées «devant la virulence d’une attaque de Marine Le Pen orientée contre Frédéric Mitterrand et sa défense [de] Polanski […]. La leader frontiste n’a pas hésité à lire […] les passages les plus controversés du livre […] La Mauvaise Vie, publié par le ministre en 2005», où sont évoqués ses goûts douteux… «La fachosphère accuse Frédéric Mitterrand», selon L’Express. Et «la polémique est loin d’être close», lit-on sur le blog «Droits des enfants» hébergé par «Le Monde», «sans compter les débats collatéraux», «contre le ministre […] et ses émois devant les jeunes garçons thaïs.»

Le ministre aurait-il commis sa première bourde? Le site Rue89 rappelle que l’eurodéputé Vert Daniel Cohn-Bendit avait aussi critiqué le soutien de Mitterrand, comme on peut le revoir sur Dailymotion. Et quand on ajoute à cela une histoire de fric entre Polanski et sa victime que relate Paris-Match, l’affaire devient puante à propos de ces «bons pédos» que caricature un blog canadien hébergé par Canoë.

Au point que Le Monde a jugé utile de prendre du recul en publiant une double page sur Polanski: «Il faudra probablement attendre plusieurs mois pour savoir s’il sera extradé ou non vers les Etats-Unis.» La Suisse «va devoir gérer longtemps un prisonnier encombrant». L’Helvétie en prend d’ailleurs plus généralement pour son grade, constate Le Matin. Il évoque Le Figaro, qui a souligné que «l’hospitalité suisse n’est plus ce qu’elle était».Le blog Béquilles.ch donne aussi, non sans ironie, un extrait de cet article qui fâche: «Dans les piles de journaux helvètes qui leur sont offerts, les élus ne lisent que les pages consacrées à leur patrie. A l’inverse d’une communauté d’affaires formidablement internationalisée, la classe politique sent l’étable.» «Quels fumiers, ces Français!» conclut-il. Alors que le Financial Times s’étonne, lui, de l’empressement inhabituel de Berne dans l’affaire.

Dans ce contexte, USA Today rappelle comment la Suisse a donné l’asile au financier Marc Rich, inculpé aux Etats-Unis. Et l’International Herald Tribune y ajoute les noms de Lénine et de Chaplin. Tandis que Die Zeit a publié un article sur ce pays qui a choisi la rigueur et les principes de l’Etat de droit, mais qui les applique parfois à géométrie variable.

Partout, dit Le Monde, les forums du Net dénoncent «l’élite culturelle […] qui part à la rescousse d’un people pédophile en cavale». «Le ministre […] avait pointé un coupable: «Il y a une Amérique généreuse que nous aimons, il y a aussi une certaine Amérique qui fait peur, et c’est cette Amérique-là qui vient de nous présenter son visage.» Même Whoopi Goldberg s’y met. La comédienne américaine a défendu Polanski avec ces mots dans son talk-show The View, sur ABC: «Ce n’était pas un viol-viol.» Avant de se rétracter.

«C’est l’histoire d’un mec, comme disait Coluche, mais, en l’occurrence, c’est l’histoire d’un tout petit mec, je veux parler de sa taille, de sa hauteur. Et le tout petit mec, c’est moi…» s’est confessé par ailleurs avec émotion Philippe Dubath dans 24 heures, à l’enseigne de «Polanski, une cause bien rikiki», après que le chanteur Michel Bühler eut sorti son panache blanc pour que les artistes le suivent dans la défense de l’artiste. Alors «j’ai une idée, écrit-il: pour occuper encore Bühler et Cie, […] je peux enfin entamer des recherches afin de retrouver Jean-Marie B. [son propre abuseur] et le dénoncer. Je leur donnerai son adresse. Il sera sûrement ravi, cinquante ans plus tard, braguette fermée, de voir des gens si connus faire leur cinéma et défendre ardemment sa si jolie cause de Polanski du pauvre.» Ce Polanski que Burki dessinait mercredi dans le quotidien vaudois en pyjama rayé noir-blanc, en train d’écouter l’intégrale du chanteur de L’Auberson…

«Les gens ne veulent pas sa peau», commente enfin un internaute sous l’article que L’Express consacre au fait que le cinéaste reste en prison. Ils souhaitent «que Roman Polanski […] réponde de ses actes devant un tribunal afin que la justice puisse faire son travail». A elle de trancher. On ne saurait trop le répéter en voyant la Une de L’Illustré:«L’affaire qui déchire la Suisse: Polanski, sa fille l’aide à supporter la prison.» Où l’on lira aussi que le cas «est complexe et [que] les arguments des deux camps sont recevables. Mais ce qui étonne dans cette histoire, c’est la schizophrénie de nombreux commentateurs qui ont souvent dit le contraire de ce qu’ils soutiennent habituellement.»