«S'intégrer, ça ne tombe pas du ciel»
Si Jean-Luc Addor reconnaissait à l'heure de l'apéro ne pas partager forcément toutes les options de l'UDCVR – «Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la question de l'avortement est la pierre angulaire de toute réflexion politique» –, son intervention, quelques minutes plus tôt, énumérant les inconvénients de la naturalisation facilitée, montrait qu'il avait déjà bien assimilé la dialectique blochérienne: «Nous fabriquerions en masse des Suissesses portant le voile islamique, refusant de se baigner à la piscine avec les garçons de leur âge, et des Suisses refusant de se faire enterrer dans les mêmes cimetières que les «infidèles» que nous sommes.» On devrait retrouver Jean-Luc Addor au printemps 2005 pour un baptême du feu électoral lors du renouvellement du parlement et du gouvernement cantonal.
Ce fils de radical vaudois, que beaucoup voyaient quitter le Valais après ses mésaventures téléverbiennes, raconte avoir éprouvé dans sa patrie d'adoption «aussi bien la dureté que la fidélité des Valaisans».
Narcis-Paul Rosu, lui, vient de plus loin encore: ce dentiste sierrois, vice-président de l'UDCVR, est un ancien requérant d'asile qui a obtenu la nationalité suisse il y a trois mois. Il brandit aujourd'hui son expérience de nouveau naturalisé, qui s'est «plié aux exigences de la procédure» et a «fait l'effort de s'intégrer, car c'en est un, ça ne tombe pas du ciel comme les cailles», pour refuser «ce paquet surprise», «cet incroyable cadeau» que serait la naturalisation facilitée. Il imagine un exemple extrême de troisième génération: un couple de requérants déboutés mais inexpulsables car sans papiers, et qui ferait venir ensuite sa fille de 12 ans, la scolariserait pendant cinq ans. Cette dernière se marierait ensuite avec un compatriote et aurait à 18 ans un enfant qui deviendrait automatiquement Suisse: «Si c'est une fille et que ses parents sont musulmans, elle portera peut-être le voile. Ou alors elle sera excisée.» Ayant fui la dictature de Ceausescu, Narcis-Paul Rosu semble goûter les scénarios catastrophe: pour lui, l'émigration, telle qu'elle se présente aujourd'hui, est «orchestrée». Par qui? Le dentiste hésite, dit qu'il n'est pas nécessaire de nommer «cette main invisible».
Le conseiller national Oskar Freysinger, Saviésan mais Autrichien de deuxième génération, lui souffle alors une réponse: «La grande finance de la mondialisation et l'internationale socialiste.» Le turbulent se lance ensuite dans un discours endiablé sur une fierté selon lui en voie d'extinction, celle d'être Suisse, et fulmine en citant le dernier exemple du «masochisme», de «l'autoflagellation» à la mode helvète: l'affaire du crachat d'Alexander Frei.
L'avocat-notaire de Chalais Edmond Perruchoud, candidat malheureux au Conseil national l'automne dernier, s'inquiète, lui, du sort des bourgeoisies: «Si un Fribourgeois installé depuis des décennies à Chalais veut demander la bourgeoisie de la commune, il ne l'obtiendra pas. Les bourgeoisies, en Valais, sont une des clefs fondamentales de l'enracinement. Or, avec les naturalisations facilitées, on pourrait à peu près choisir n'importe quelle bourgeoisie.»
Alexandre Cipolla est le plus jeune de la bande. Il vient de Martigny, est étudiant en lettres, Italien de troisième génération et fils d'une personnalité bien connue de l'aile chrétienne-conservatrice du PDC valaisan. Ce qui le dérange dans le processus de naturalisation facilitée, c'est «la mise hors jeu des communes, lieu par excellence de l'intégration».
Présent également, le juge retraité André Franzé, lui, ne dira rien. Consultant financier à Sion, Alphonse Ebiner, également vice-président de l'UDCVR, se limitera à la présentation des orateurs. Quant à Michel Granges, patron d'une grosse entreprise d'horticulture à Fully, il fait partie de ces radicaux de vieille souche qui sont passés à l'UDC. «D'autant plus facilement que les origines de l'UDC remontent à 1909, lorsqu'une dissidence radicale s'est formée, qui souhaitait rester fidèle à la Constitution de 1848.» Le bistrot, lui, s'appelait bien sûr La Croix Fédérale.