Ce vendredi, une vingtaine de personnes se sont rendues dans les locaux du Temps, à Lausanne.

Elles souhaitaient aborder avec des représentants du journal la vidéo mise en ligne sur notre plateforme le 15 mars 2021, intitulée «TOC! une euphorie de genres», qui met en scène Claude Inga-Barbey.

Le groupe a été reçu par la rédactrice en cheffe Madeleine von Holzen, accompagnée de deux journalistes, Ram Etwareea, de la rubrique économique, et Boris Busslinger, journaliste à la rubrique Suisse.

Pendant une trentaine de minutes, les membres de la rédaction du Temps ont échangé avec les membres des collectifs listés au bas de cet article. Leur lettre ouverte figure ci-dessous.


Communiqué à propos de la vidéo de Claude Inga-Barbey «TOC! une euphorie de genres», publiée le 15 mars 2021 par Le Temps.

Genève, le 19 mars 2021

C’est avec la plus grande colère que noux avons pris connaissance de la video «TOC! une euphorie de genres» le 15 mars 2021. Cette vidéo qui se veut «humoristique» est d’une extrême violence pour noux, personnes transgenres et non-binaires, qui vivons quotidiennement des violences transphobes et enbyphobes.

Toutes les identités de genres sont valides, et elles ne sont en aucun cas un sujet de moquerie. Ces discriminations, tout juste déguisées en railleries des personnes transgenres et non-binaires, qui visent à ridiculiser et effacer nos vécus et expériences, relèvent de la transphobie et de l’enbyphobie. La vidéo commence par déshumaniser nos existences et noux réduire à l’état d’objet («ça»). Elle continue en parlant de genre neutre, de pronoms puis d’asexualité, pour ensuite dire «je suis une transfemmelesbienne».

Cela n’a aucune suite logique, et c’est tout simplement méprisant. Est-il encore nécessaire de rappeler qu’identité de genre n’est pas égal ou liée à orientation sexuelle? Votre ignorance est accablante. De plus, la «difficulté» qu’a la «psychologue» à assimiler ces pseudo-informations ne fait que renforcer le stigmate selon lequel la communauté LGBTQIAP + est «compliquée», que noux faisons «exprès» de brouiller l’ordre social établi. Utiliser le contexte d’une thérapie comme plaisanterie est déjà en soi douteux, mais repris dans la situation où il noux est difficile d’accéder à ces espaces sans se voir psychiatrisé.e.x et pathologisé.e.x est d’une grande violence.

Noux luttons pour que ces stigmates cessent et que noux soyons respecté.e.x.s. Cette caricature est humiliante. Noux ne sommes pas un sujet de moquerie. Alors que la communauté trans* a été des plus précarisée par la pandémie, marquée par l’exclusion et un taux de suicide grimpant, et que s’exprime plus que jamais le besoin de suivi psychologique adapté et conscientisé quant aux transidentités, vous ne trouvez vraiment rien de mieux à faire que d’amuser vos quelques lecteur.ices avec cette soupe de préjugés et d'«humour» ignoble.

Noux soulignons que ce n’est pas la première fois que cette «humoriste», Claude Inga-Barbey, tient des propos transphobes mais également racistes et xénophobes dans ses sketchs. Dans «LGBTQIA, y a plus que le sexe! C’est fini l’amour» (27.10.2018), ses propos étaient particulièrement blessants et témoignaient d’une profonde insensibilité ainsi que d’une grande méconnaissance à l’égard des «sujets d’actualités» que celle-ci traite sur un ton pseudo humoristique. Sans parler du fait que son personnage de «Manuela» est entièrement basé sur la glottophobie et sur des clichés réducteurs et offensants à propos de la communauté lusophone/portugaise.

Pourquoi une telle vidéo existe-t-elle sur les réseaux? Pourquoi existe-t-elle sur le fil Facebook de votre journal? Des discriminations déguisées en «humour» reste de la discrimination et de l’incitation à la haine. Noux condamnons la vidéo de cette «humoriste» mais noux condamnons également votre journal de l’avoir postée et partagée. Par ailleurs, si noux déplorons cette vidéo en particulier, noux en déplorons bien d’autres également. En tant que personnes concerné.e.x.s par la violence des propos qui ont été tenus dans cette vidéo, noux demandons au journal LE TEMPS un droit de réponse, ainsi que des excuses publiques, une discussion avec un.e.x rédact.eur.ice.x en chef.fe.x et la suppression immédiate de la vidéo.


Collectifs signataires:

  • Foulards Violets
  • Collectif féministe Riviera Luttes Queer GT Queer Romand
  • Collectif 8 mars pour un Féminisme Révolutionnaire
  • Groupe SIDA Genève
  • Association des Juristes Progressistes de l’Université de Genève
  • Asile LGBT
  • Archipelagogo
  • Haus of GeneVegas
  • Conférence Universitaire des Associations d’Etudiant.e.x.s (CUAE)
  • Collectif Féministe Nyon
  • Revue Mets tes palmes