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L'Europe pourrait être un thème de campagne

On parlera peut-être de l'Union européenne pendant la campagne pour les élections fédérales d'octobre. Mais ce sera, très concrètement, à propos de l'élargissement de la circulation des personnes et pas de l'adhésion. Une façon d'afficher sans risques un esprit d'ouverture.

Aucun homme ou aucune femme politique ne peut parler impunément, même dans les termes les plus généraux, de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne (UE). Micheline Calmy-Rey avait fait l'objet de vives critiques pour avoir, lors de la conférence de presse organisée à l'occasion de ses cent jours au Conseil fédéral, évoqué la perspective, lointaine, d'une entrée de la Suisse dans l'UE. Elle avait même jugé bon de rassurer ses collègues, ultérieurement, sur la relativité de ses pulsions pro-européennes. Une mésaventure un peu semblable vient d'arriver à la présidente du Parti radical suisse.

Lors de son discours du 1er Août, prononcé à Rolle, Christiane Langenberger avait juste relevé que la Suisse ne saurait se désintéresser du destin de l'Europe. Elle avait également chiffré le coût de l'abstention: 53 milliards sur dix ans, si l'on tient compte du différentiel de croissance économique entre les pays membres de l'UE et la Suisse. Elle n'a pas été la seule à évoquer la question, puisque tant Micheline Calmy-Rey, à l'ambassade de Suisse à Paris, que Pascal Couchepin l'ont fait dans leur discours du 1er Août. Le Blick, qui exploite le sujet depuis deux jours, a toutefois choisi de ne retenir que les propos de la présidente du Parti radical. Dans une interprétation explicable à parts égales, semble-t-il, par le trou estival de l'actualité politique et la canicule, le quotidien de boulevard alémanique choisit d'y voir une volonté de placer l'adhésion à l'UE dans l'agenda politique de la campagne électorale. Et il esquisse déjà les contours d'une nouvelle alliance entre les radicaux et les socialistes, dont la dernière affiche électorale suffirait à attester la fièvre pro-européenne, pour promouvoir une marche vers l'adhésion.

Christiane Langenberger fait part d'une certaine perplexité devant les réactions suscitées par ses propos. «On n'ose plus parler des rentes, on n'ose plus parler de l'UE, on n'ose plus parler de politique pendant la campagne électorale», dénonce-t-elle. «J'ai tout simplement osé parler de l'Europe et c'est tout, ajoute encore la présidente du Parti radical, un sujet que l'on ne peut éviter lorsqu'on parle d'avenir, comme c'est le cas dans un discours du 1er Août.»

Les propos de Christiane Langenberger avaient un caractère spontané et ne paraissaient pas s'inscrire dans une démarche tactique élaborée par la direction du Parti radical. Le secrétaire général du PRD s'en félicite néanmoins. La présidente a ainsi contribué à thématiser la problématique de l'élargissement de la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres de l'UE, et c'est tant mieux, relève Guido Schommer. La question de l'élargissement – les négociations avec Bruxelles ont formellement commencé à la mi-juillet – pourrait se poser au cours de la campagne électorale. «Nous n'avons pas peur du sujet», assure le secrétaire général du PRD, qui déplore plutôt que la discussion n'ait pas encore vraiment débuté. Le Parti radical a en effet déjà commencé à se préparer pour la campagne référendaire qui suivra inévitablement la conclusion d'un accord. Les contacts sont déjà opérationnels à ce sujet avec les partis démocrate-chrétien et libéral, ainsi qu'avec economiesuisse.

Rendre l'opinion consciente des enjeux est un travail de longue haleine qui devrait débuter assez tôt. Les radicaux ont par ailleurs tout intérêt à thématiser la question – qui figure dans l'argumentaire élaboré à l'intention des candidats – avant le mois d'octobre, pour des raisons purement électorales. «Nous avons intérêt à travailler sur ce sujet avec le PDC contre la «coalition de l'immobilisme», assure Guido Schommer. L'élargissement de la libre circulation met en effet mal à l'aise aussi bien le PS que l'UDC. Malgré leurs professions de foi pro-europeéennes, les socialistes sont en effet, sous la pression des syndicats, extrêmement timides face à l'élargissement de la libre circulation. Celui-ci met l'UDC en face de ses contradictions. Le parti y est idéologiquement opposé, mais une partie de sa clientèle est sensible à l'ouverture d'un nouveau bassin de main-d'œuvre. La problématique de l'élargissement a enfin une qualité qui ne peut que convenir aux radicaux. Elle permet d'aborder très concrètement et très pragmatiquement la problématique européenne, sans qu'il soit en l'occurrence question d'adhésion. Elle permet à la droite libérale d'afficher sans risques un certain esprit d'ouverture.