D’obscurs transferts d’argent vers la Suisse, une belle banquière, de grosses cylindrées, un mari encombrant… L’affaire Mollath passionne depuis des jours la presse allemande et embarrasse Munich à un an des élections régionales. Gustl Mollath est un petit mécanicien sans histoires, amoureux depuis 1978 d’une belle banquière. L’histoire serait restée banale si Mollath n’avait découvert à la fin des années 90 que son épouse – conseillère en fortune à l’HypoVereinsbank de Nuremberg – transportait régulièrement vers Zurich des sommes d’argent pour le compte de clients désireux d’échapper au fisc. «J’aimais ma femme, j’ai voulu la protéger», explique l’intéressé.Les séjours de Petra Mollath en Suisse deviennent un sujet de disputes. Un soir de 2001, Mollath en vient aux mains. Le couple se sépare. Mais Mollath n’en reste pas là: en secret, il cumule les preuves contre l’activité de la banquière, écrit à la direction de l’HypoVereinsbank, au procureur, au gouvernement bavarois. Personne ne réagit.

Paranoïaque?

Petra Mollath porte plainte contre son mari en 2003. Convaincu de folie et de paranoïa, il est jugé dangereux par un tribunal de Nuremberg. Le rapport psychiatrique insiste sur le fait que Mollath «s’accroche à sa version d’évasion fiscale vers la Suisse». Les faits ne sont pas vérifiés. Mollath est interné en psychiatrie en 2006. Il ne cesse depuis de clamer son innocence.

L’affaire en serait restée là sans la révélation, début novembre, d’un rapport interne de l’HypoVereinsbank de mars 2003. Adressé à deux membres du directoire de la banque, il est le résultat d’une enquête interne menée à la suite des courriers adressés à la banque par… Gustl Mollath. Il y est question de blanchiment, de transferts de patrimoines vers la Suisse, de provisions versées à des salariés, de deux banques de Zurich et d’un banquier suisse, qui auraient joué un rôle central dans toute cette affaire. Petra Mollath et quelques collègues sont licenciés. A partir de là, l’HypoVereinsbank assure ne plus rien avoir su des démêlés judiciaires du couple.

C’est là que commencent les questions qui passionnent aujourd’hui. Pourquoi le procureur, en possession du rapport depuis fin 2011, n’a-t-il pas engagé d’enquête? Pourquoi la ministre de la Justice de Bavière, Beate Merk, a-t-elle continué à s’opposer à la réouverture du dossier jusqu’à ce qu’inquiet du tour pris par l’affaire à un an des régionales, le ministre président du Land n’intervienne en faveur de Mollath? Le dossier sera rouvert. Les deux banques suisses citées dans le rapport risquent d’être sur la sellette. Interné peut-être à tort depuis six ans, Mollath n’attend que sa libération.