immigration
Le Bade-Wurtemberg et la Bavière, deux des cinq Länder allemands les plus dynamiques, font l’expérience fructueuse d’une immigration aussi vigoureuse qu’en Suisse. Elle y est perçue comme une chance et l’occasion de renforcer l’appareil productif. Le climat en Allemagne est tout différent de la Suisse, où l’on a tendance à ne voir dans l’immigration qu’un coût et un problème
L’«exception» suisse a gagné l’Allemagne du Sud
Plus riche et plus paisible que le reste de l’Europe, la Suisse attire, relativement à sa taille, davantage de migrants que la plupart des pays d’Europe. L’immigration a atteint en Suisse un niveau (23,8%) rarement enregistré au cours des derniers siècles par un Etat à l’échelle mondiale. Le taux de migration net annuel de la Suisse depuis 2008 est jusqu’à dix fois supérieur à celui des pays d’immigration classiques de l’Union européenne comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas (OCDE, 2013).
L’immigration est le carburant de la vigoureuse croissance démographique suisse combattue par Ecopop au nom du sentiment de saturation. En Europe, seuls le Luxembourg, Etat mouchoir de poche, et la Norvège, vaste territoire peu peuplé, enregistrent des croissances de leur population supérieures à la Suisse.
Bénéfices valorisés
Changeons d’échelle. Considérons la Suisse, avec ses 8,1 millions d’habitants et son solde migratoire annuel net moyen de 73 000 personnes (2009-2013), comme une région d’Europe. Des ensembles de taille similaire, le Bade-Wurtemberg et la Bavière, vivent le même phénomène: ces deux Länder riches et comptant parmi les cinq plus dynamiques d’Allemagne attirent une population étrangère jeune, formée et souvent très qualifiée. Dans le sillage de la crise de l’euro, des programmes y ont été lancés pour faire venir des wagons de travailleurs espagnols, grecs et portugais; ils rencontrent un vif succès. En 2013, le Bade-Wurtemberg (10,6 millions d’habitants) a enregistré pour la 4e année consécutive un solde migratoire annuel positif: + 62 200 habitants, le record depuis 2001. Ce gain doit tout à l’immigration: le bilan entre arrivées et départs de personnes étrangères s’établit à + 71 400. La diminution de la population allemande du Land imputable à des départs et aux décès plus nombreux que les naissances modère un peu ce résultat. La Bavière, 12 millions d’habitants, a enregistré en 2012 un fort solde positif de migrants étrangers (+ 81 100). Au total, sa population a augmenté de 76 100 unités, tendance à la hausse qui s’est confirmé en 2013.
Comme en Suisse, cette immigration qualifiée compense la pénurie de main-d’œuvre indigène sur un marché du travail régional tout proche du plein-emploi. Mais alors qu’en Suisse l’immigration est surtout discutée comme un fardeau et un coût, en Allemagne les bénéfices de l’immigration sont systématiquement valorisés.
L’Allemagne du chancelier Helmut Kohl refusait de se voir en pays d’immigration. Dès 2000, la société allemande change de perspective. Le vieillissement en marche de la population devient une composante prioritaire des politiques publiques. Les Länder adoptent des «plans vieillissement». «Partout en Allemagne l’immigration découlant de la libre circulation intra-européenne est vue comme une nécessité et une chance», explique le politologue Henrik Uterwedde. «Les réticences de la population allemande, précise-t-il, sont focalisées sur les requérants d’asile, cette migration de la détresse qui enfle avec les guerres à proximité de l’Europe.»