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L’extension du certificat covid reçoit un accueil contrasté

Le Conseil fédéral confirme que la présentation du passeport sanitaire sera obligatoire dans les espaces publics clos dès lundi: restaurants, bars, musées, théâtres, cinémas, etc. Une partie de la droite économique, dont GastroSuisse, proteste contre ces mesures

Dès lundi, il faudra montrer patte blanche sanitaire pour aller au restaurant, dans un café ou dans un musée. — © keystone-sda.ch/Christian Beutler
Dès lundi, il faudra montrer patte blanche sanitaire pour aller au restaurant, dans un café ou dans un musée. — © keystone-sda.ch/Christian Beutler

Il faudra montrer patte blanche sanitaire dès lundi pour entrer dans un restaurant, un bar, un musée, une bibliothèque, un zoo, un fitness, une piscine couverte, un parc aquatique, un casino, une salle de sport, une salle d’escalade, un théâtre, un cinéma, un centre de loisirs ou encore une salle de billard. Le Conseil fédéral a finalement décidé d’étendre, dès le début de la semaine prochaine, l’usage du passeport sanitaire en Suisse pour toutes les personnes de plus de 16 ans. Il concernera tous les espaces publics clos à de rares exceptions près, par exemple les cérémonies religieuses ou les réunions politiques réunissant moins de 50 personnes. Cette décision est valable jusqu’au 24 janvier 2022, mais elle pourra être levée avant cette date si la situation s’améliore.

En contrepartie, le masque pourra tomber, de même que les règles de distance ou les limites de capacité imposées aux restaurateurs depuis qu’ils ont été autorisés à rouvrir leur établissement. Ceux-ci auront cependant l’obligation de contrôler que les clients disposent d’un certificat covid valable, attestant qu’ils sont vaccinés, guéris ou testés négatifs. Ils devront aussi, et c’est ce qui va différencier le régime en vigueur en Suisse par rapport à un pays comme la France, vérifier l’identité de la personne qui présente une attestation sanitaire afin d’éviter des tricheries.

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Eviter une nouvelle surcharge du personnel hospitalier

A la demande des cantons, des sanctions sont prévues. Quiconque entre dans un lieu public clos sans certificat ou avec un document non valable pourra être amendé à hauteur de 100 francs par la police. Et l’exploitant qui ne fait pas son travail de contrôle pourra aussi être sanctionné. L’amende pourra aller jusqu’à 10 000 francs et l’établissement pourra même être fermé dans les cas les plus extrêmes, précise Michael Gerber, juriste à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Le Conseil fédéral justifie l’extension du passeport sanitaire par deux préoccupations: «Nous voulons éviter une nouvelle surcharge des hôpitaux ainsi que de nouvelles mesures de fermeture des restaurants et des commerces», résume le président de la Confédération, Guy Parmelin. «Personne ne comprendrait que nous risquions une nouvelle surcharge du personnel de la santé à l’approche de l’hiver», complète le ministre de la Santé, Alain Berset, conscient que l’interprétation des chiffres concernant les nouvelles infections et la situation dans les hôpitaux est controversée.

Notre suivi de cette journée du mercredi 8 septembre

Les aides sont toujours en vigueur

Pour Guy Parmelin, l’exigence de présenter le sésame sanitaire vaut mieux que de risquer de devoir prononcer de nouvelles fermetures. C’est pour ce motif qu’Economiesuisse dit adhérer à la décision du Conseil fédéral. Celle-ci est cependant contestée par un parti politique, l’UDC, ainsi que par l’Union suisse des arts et métiers (USAM) et GastroSuisse, qui craignent que cela ne dissuade la clientèle non vaccinée d’aller manger au restaurant ou de s’attabler dans un café.

Ces organisations prédisent de nouvelles pertes de chiffre d’affaires. L’Union syndicale suisse (USS) partage cette crainte et redoute des suppressions d’emplois. «Mais d’autres clients reviendront au restaurant si les autres restrictions, comme le port du masque à l’intérieur, sont levées. Et je rappelle que les instruments d’aide, comme les réductions de l’horaire de travail (RHT), les allocations pour perte de gain (APG) et les aides pour les cas de rigueur sont toujours à disposition», répond Guy Parmelin, qui annonce qu’il va proposer de prolonger jusqu’à la fin de l’année les procédures simplifiées de chômage partiel.

La position équivoque du président de GastroSuisse

La position de GastroSuisse est en train de prendre une tournure particulière. Formellement, la faîtière de la restauration indique dans un communiqué que «la fédération a recommandé la vaccination à ses membres». Mais son président, Casimir Platzer, a déclaré dans une interview publiée dans 24 heures qu’il n’était «pas encore» vacciné lui-même. Interrogé par Le Temps, il refuse de détailler les «raisons très personnelles» qui le retiennent de présenter son bras à la seringue.

«Il ne s’agit pas de moi, mais des conséquences de l’obligation du certificat covid pour la gastronomie et pour la société. Cela conduit à un traitement d’inégalité flagrante de la population, et, personnellement, je n’aime pas cela. La traque entre vaccinés et non vaccinés et vice versa est un poison pour notre pays. La restauration veut servir tout le monde et n’exclure personne», commente-t-il. GastroSuisse relève encore que l’obligation du certificat est sans doute plus acceptable dans les zones urbaines, «où le taux de vaccination est plus élevé» que dans les zones rurales. Elle souligne qu’il n’y a «pratiquement pas eu de contagion dans la restauration jusqu’à maintenant».

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Des nuances valaisannes

Dans la branche, les réactions sont mitigées. Coup de sonde en Valais. Chef du Mont-Rouge à Nendaz, Loris Lathion déplore un «nouveau coup dur» et prévoit la traversée d’une période difficile pour le secteur. Il sent une fatigue s’installer au sein de la population. «Tout le monde aimerait qu’on nous lâche la bride et, au contraire, on serre la vis. Les décisions du Conseil fédéral sont contraires aux désirs du peuple, mais elles sont sûrement nécessaires», soupire-t-il, tout en reconnaissant que la généralisation du certificat covid est bien moins mauvaise qu’une nouvelle fermeture totale des restaurants. Selon le Valaisan, les mesures annoncées ce mercredi vont booster la vaccination.

«C’est un mal pour un bien», enchaîne Fiona Nicolas, la patronne du Hangar 41 à Sion. Elle ne cache pas qu’elle préfère l’extension du certificat à la fermeture de son œnothèque. Elle s’attend à une baisse de son chiffre d’affaires de 20 à 30%, mais espère que cela ne durera que «le temps que la population se fasse vacciner. Dans ces moments difficiles, l’esprit de solidarité est important. Tout le monde doit jouer le jeu et continuer de sortir dans les bars ou les restaurants, en se faisant tester ou vacciner.» Faisant référence à la situation dans les pays voisins, Alain Berset répond indirectement que «le certificat fonctionne plutôt bien, de manière simple et sans problème».

52,3% de la population entièrement vaccinée

La décision du Conseil fédéral s’applique à la clientèle mais pas aux employés. Les employeurs pourront, après les avoir consultés, décider si leurs collaborateurs doivent présenter un certificat. Le cas échéant, ils devront offrir la possibilité d’effectuer régulièrement des tests. Ils pourront aussi demander à leur personnel de continuer de respecter les règles sanitaires, comme le port du masque à l’intérieur. Les tests réguliers effectués en entreprise seront toujours financés par la Confédération, contrairement aux tests individuels, qui deviendront payants dès le 1er octobre.

A ce jour, 52,3% de la population a reçu deux doses, selon l’OFSP; 5,7 millions de certificats ont été délivrés à ces personnes, 200 000 attestent de la guérison de leur titulaire et 2,7 millions indiquent qu’un test négatif a été réalisé. Les décisions de mercredi vont-elles doper la vaccination? C’est le secret espoir des autorités politiques et sanitaires. «En attendant et en critiquant, vous prolongez la crise», répond aux hésitants le conseiller d’Etat bâlois Lukas Engelberger, président de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS).

Le Conseil fédéral prépare, par ailleurs, de nouvelles règles pour les personnes non vaccinées et non immunisées qui reviennent de l’étranger. Il met deux scénarios en consultation jusqu’à mi-septembre. Tous deux exigent un test négatif à l’entrée en Suisse, quelle que soit la provenance. La première variante demande un nouveau dépistage quatre à sept jours plus tard, la seconde remplace celui-ci par une quarantaine de sept à dix jours.