L’hiver sans neige sonne le glas du ski industriel
Editorial
La saison qui débute s’annonce comme celle de tous les dangers pour les stations suisses. Leur survie passe par des rapprochements, et une révolution mentale en direction du «tourisme doux»

Mais où sont les neiges d’antan? Nulle part, comme chacun peut constater avec, ce Noël, la poursuite d’un hiver désespérément doux. Le réchauffement climatique pèse de plus en plus sur les activités humaines, jusque chez nous.
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En Suisse, la répétition d’hivers sans neige contraint une industrie entière à lutter pour sa survie. Le tourisme des sports d’hiver, déjà étranglé par le franc fort, s’apprête à traverser une saison «de tous les dangers», selon l’expression du directeur de Téléverbier. Un récent et sévère commentaire de la NZZ évoquait le risque que les milliards investis dans les remontées mécaniques se transforment bientôt en une «montagne de capital mort». Le manque de neige n’est pas seulement un désagrément pour les skieurs, il risque de devenir un problème économique de première importance pour la Suisse.
Si elles atteignent un point critique aujourd’hui, ces difficultés ne sont pas nouvelles. La Confédération a déjà averti qu’il faudrait cesser d’investir dans le ski à moyenne et basse altitude. Le problème est que personne ne veut l’écouter. Un puissant lobby des montagnes milite pour la poursuite de lourds investissements dans le ski industriel. Comme il sera de moins en moins rentable, il faut s’attendre à des demandes de subventions qui pourraient se monter en milliards de francs ces prochaines années.
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Le parlement et le Conseil fédéral devront y résister. Des aides à la transition, pour éviter la faillite de nombreuses stations, seront sans doute nécessaires. Mais des subventions n’auront de sens que si elles préparent l’avenir: un tourisme alpin où le ski tel que nous le connaissons ne jouera plus qu’un rôle secondaire.
Le potentiel de demande pour ce «tourisme doux» existe. Une bonne partie des Suisses a déjà renoncé à skier – ou ne l’a jamais fait pour des raisons financières. Une autre préfère la montagne pour sa beauté et pour simplement la parcourir à pied. Ce sont ces clientèles qu’il faudra choyer, au lieu d’investir dans des installations disgracieuses (canons à neige, bassins d’accumulation, parkings surdimensionnés) que le réchauffement climatique rendra bientôt obsolètes.
Le tourisme doux rapportera, en tout cas dans un premier temps, moins que l’industrie actuelle du ski. Le rendre profitable demandera l’avènement d’une nouvelle génération d’entrepreneurs, qui émerge mais reste pour l’instant marginale. Le changement imposera aussi une révolution mentale: qu’on cesse de vendre la Suisse comme une destination de raclette et de neige, suppliait, dans nos colonnes, le chef étoilé Benoît Violier (décédé en janvier 2016). Nul doute que cet hiver sans neige va accélérer la prise de conscience.
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