C’est un refus très net qui se dessine pour l’initiative de l’UDC sur l’autodétermination, qui voulait donner la primauté au droit suisse sur le droit international. Avec 67% de non au niveau national, et un rejet par tous les cantons, cette défaite est l'une des pires subies par le parti populiste ces dernières années. Elle surpasse ainsi le rejet en 2008, par 64% de non, de l'initiative «pour des naturalisations démocratiques», ou celui de l'initiative dite de mise en oeuvre par 59% des votants en 2016.

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Pourquoi cet échec d’un texte qui mettait pourtant le doigt sur un vrai problème, la limitation croissante de l’autonomie des Etats-nations par un vaste corpus de règles mondialisées? Quelques éléments permettent une première analyse du vote.

Tout d’abord, la menace des «juges étrangers» que prétendait combattre l’initiative est toujours restée trop abstraite pour mobiliser les électeurs. Qui étaient réellement ces juges et quel était leur vrai pouvoir? Ce point n’a jamais été exposé clairement.

Bloc étroit

En 2012, le Tribunal fédéral avait refusé le renvoi d’un délinquant macédonien, soulignant au passage «l’obligation des organes de l’Etat de respecter un traité international contraignant pour la Suisse», notait à l’époque un article du Temps. Cet exemple a été ressassé par l’UDC durant sa campagne, mais était sans doute trop lointain pour émouvoir beaucoup la population.

L’initiative, portant sur un point de théorie juridique – quelle est la source suprême du droit? –, était aussi dépourvue de l’élément émotionnel et migratoire qui avait fait mouche lors des votes sur l’immigration (2014) ou les minarets (2009). L’UDC a été incapable de mobiliser au-delà du bloc étroit de ses partisans, par exemple à gauche. L’unanimité des institutions et de tous les autres partis contre son texte l’a laissée isolée.

Les partisans du oui ont mené une campagne étrangement modérée, avec des affiches neutres prônant un «oui à la démocratie directe» qui a sonné creux. Ils ont durci le ton de manière un peu désespérée sur la fin, en brandissant l’épouvantail de juges turcs abolissant l’interdiction des minarets en Suisse. Mais c’était trop peu, trop tard.

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Très long combat

Les effets concrets de l’initiative n’étaient pas clairs non plus. En cas de oui, allait-on résilier des accords internationaux – et dans ce cas, lesquels? Ou n’allait-il simplement rien se passer?

En face, les opposants ont aussi mené une campagne musclée. Ils insistaient sur la perte de fiabilité internationale de la Suisse ou la dénonciation de quelque 600 accords avec l’étranger, qui entraînerait une instabilité néfaste pour l’économie d’exportation helvétique. Ces craintes-là, sans doute exagérées, étaient plus concrètes que celle de la perte de souveraineté agitée par l’UDC.

Les opposants ont aussi réussi à fédérer un front très large dans les cercles (ONG, juristes, militants divers) attachés à la défense des droits humains. «Tous les milieux, qu’ils soient économiques, spirituels, culturels ou universitaires, se sont engagés très fortement pour combattre l’initiative», ce qui avait été sous-estimé au début de la campagne, estime l’ancien conseiller d'Etat vaudois Claude Ruey. 

Signe que la défaite était attendue, l’UDC a organisé son «stamm» du dimanche de votation à Winterthour, loin de Berne et des centres politiques et médiatiques nationaux. Mais cette déconvenue, même cinglante, n’est qu’une étape de plus dans le très long combat mené par le parti populiste contre les engagements internationaux de la Suisse. En 2020, les Suisses devraient voter sur une initiative bien plus ciblée, celle qui demande l’abrogation de la libre circulation avec l’Union européenne.