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«L’occasion de décider de son destin est rarissime dans l’histoire»

A quelques semaines du scrutin sur les Juras s’est tenue la 66e Fête du peuple.Temps fort: le discours de Jean-Daniel Ruch, enfant du Jura bernois, ambassadeur de Suisse à Belgrade

Jean-Daniel Ruch, ambassadeur de Suisse à Belgrade, et invité de marque de la 66e Fête du peuple jurassien. — © Keystone
Jean-Daniel Ruch, ambassadeur de Suisse à Belgrade, et invité de marque de la 66e Fête du peuple jurassien. — © Keystone

Dans onze semaines, le 24 novembre, les Jurassiens du canton et ceux qui avaient choisi en 1975 de rester bernois décideront s’ils lancent un processus susceptible de mener à la création d’un nouveau canton des Juras. Dans une campagne qui alterne l’échange courtois d’arguments et «les torrents de haine des pro-Bernois», déplore le secrétaire du Mouvement auto­nomiste jurassien, Pierre-André Comte, la Fête du peuple jurassien à Delémont, 66e du nom, a amené deux éléments favorables aux partisans du «oui».

Les autonomistes ont pu compter sur le soutien de personnalités romandes – le conseiller national socialiste genevois Manuel Tornare et la conseillère d’Etat PDC fribourgeoise Isabelle Chassot. Future directrice de l’Office fédéral de la culture, Isabelle Chassot, dans un discours très fouillé, souhaite un «oui» le 24 novembre en faveur d’un nouveau canton et appelle les Jurassiens à ne pas «se laisser séduire par des phrases ou des images réductrices». «Le vote du 24 novembre, c’est aussi l’affaire d’une Romandie qui pourrait être plus forte», prétend Manuel Tornare.

Le temps fort du raout autonomiste: l’intervention de Jean-Daniel Ruch, citoyen d’Eschert, dans le Jura bernois, village voisin de Moutier, actuel ambassadeur de Suisse en Serbie et au Monténégro. Et de rappeler qu’en 1975, lors des plébiscites qui avaient vu le Jura bernois et Moutier décider de rester bernois, «un gamin d’Eschert saisissait le drapeau bernois trônant dans sa tanière et s’élançait à toutes jambes fêter la victoire à Moutier. Le succès du «non» à l’adhésion de Moutier au canton du Jura signifiait moins le bonheur de rester dans le canton de Berne qu’une victoire contre l’intolérance et la violence.»

En vue du scrutin du 24 novembre, Jean-Daniel Ruch fait une tout autre appréciation et appelle ses concitoyens du Jura bernois à «réfléchir»: «La question n’est plus de coller une étiquette séparatiste ou antiséparatiste. La question est: où est notre meilleur intérêt, dans le statu quo ou dans un nouveau canton?» Pour le citoyen-diplomate, «le canton, comme cadre institutionnel, est un instrument indispensable pour promouvoir la prospérité. Le canton est comme une entreprise. Voulons-nous fonder notre propre entreprise ou ­parier que, en tant qu’employés, nous serons bien traités?» Et d’asséner «qu’une occasion pareille de décider de son destin est rarissime dans l’histoire». Jean-Daniel Ruch interpelle ses concitoyens du Jura bernois: «Quel esprit l’emportera le 24 novembre, l’entrepreneur ou le sur-assuré?» Il tord encore le cou à une idée véhiculée par les partisans du maintien du Jura bernois dans le canton de Berne, qui refusent de passer sous le joug des séparatistes. «Dans la négociation pour créer un nouveau canton, les Jurassiens bernois tiendront le couteau par le manche. Autrement, ils auront choisi, et c’est leur droit, de remettre leur destin et celui de leurs enfants entre les mains de la majorité de 95% qui dirige le canton de Berne, sans garantie que sa mansuétude un peu paternaliste durera toujours.»

Comme le maire de Delémont, Pierre Kohler, affirmant que si le «non» l’emporte le 24 novembre, «le Jura bernois va ensuite souffrir», Pierre-André Comte estime que «l’Etat de Berne, géant aux pieds d’argile, ne sera plus en mesure d’assurer des prestations ­spécifiques dont bénéficie aujour­d’hui sa communauté francophone, qui sera considérée sur un pied d’égalité avec la communauté germanophone», laissant entendre que le vaste plan d’économies cantonales touchera aussi le Jura bernois.

La Fête du peuple jurassien 2013 à Delémont devait illustrer la mobilisation des partisans du nouveau canton des Juras. L’impression est mitigée. Il y a certes eu davantage de monde que lors des fêtes précédentes, mais bien moins que lors des rassemblements du même type dans les années 70. Pour titiller les Jurassiens bernois, le Groupe Bélier a mené une opération symbolique samedi à Berne: il a déposé une chaise devant le Musée d’histoire, «le siège que la Berne cantonale a parfois laissé au Jura bernois», rappelant que, depuis 2011, il n’y a plus de représentant du Jura bernois au parlement fédéral, l’UDC Jean-Pierre Graber n’ayant pas été réélu.

«Quel esprit l’emportera le 24 novembre, l’entrepreneur ou le sur-assuré?»