Le scrutin institutionnel interjurassien est programmé dans cinq mois, le 24 novembre. La campagne connaît une première montée d’adrénaline juste avant l’été. Il y a eu le sondage du groupe de médias Gassmann, montrant que, dans le Jura bernois, 49% des citoyens sont opposés au lancement d’un processus susceptible d’aboutir à la création d’un nouveau canton des Juras, contre 24% d’avis favorables et 19% d’incertains. La semaine dernière, le Conseil du Jura bernois a majoritairement recommandé le statu quo, affirmant qu’un oui le 24 novembre générerait une période d’incertitudes, néfastes au développement de la région.

Les partisans du oui passent à l’offensive, par le biais d’un tous-ménages distribué dans les deux Juras. C’est une première. Jusqu’ici, les partisans du maintien du Jura bernois dans le canton de Berne, réunis au sein du comité «Notre Jura bernois», s’étaient limités à s’adresser aux Jurassiens bernois.

D’un coût de 15 000 francs, le tous-ménages se veut certes «coloré, positif et lumineux», selon l’un des coprésidents du comité «Construire ensemble», le maire de Saint-Imier Stéphane Boillat. Il n’en est pas moins modeste, avec quatre pages, s’apparentant au supplément d’un quotidien régional. Manquerait-il d’éclat? «Nous avons voulu produire des articles de fond, argumente l’autre coprésident, le maire de Delémont Pierre Kohler. La question posée aux Jurassiens est suffisamment sérieuse pour qu’on la traite de manière sérieuse.»

S’il appelle à votre oui, le journal des partisans d’un nouveau canton entend d’abord rétablir des vérités. Contrairement à ce qu’affirment les loyalistes bernois, un oui le 24 novembre «n’est pas irréversible», tonne Stéphane Boillat. Il offre «l’opportunité d’engager un processus visant à créer un nouveau canton. Il s’agit de dire oui à une négociation pour envisager un avenir commun. Si elle ne devait pas aboutir ou ne pas convenir, il serait toujours temps de dire stop.»

Pour contrer les principaux opposants à la mise en route du processus institutionnel interjurassien, soit l’UDC du Jura bernois, le comité «Construire ensemble» s’appuie sur une personnalité inattendue, le président de la Confédération, Ueli Maurer, présent le 23 mars dernier à Porrentruy, au centenaire de la Société jurassienne des officiers, où il affirmait à propos de la création du canton du Jura en 1979: «On doutait parfois de la viabilité de ce canton à l’époque. Et qu’avez-vous fait? Un canton qui marche, qui fonctionne, avec une économie prospère. C’est extra, vous avez prouvé que c’est possible.»

Plus de poids politique

Comme l’avait fait le gouvernement jurassien, le comité des partisans d’un nouveau canton insiste sur le «poids» politique du Jura bernois, privé depuis 2011 de représentant au Conseil national, ne pesant que 5,3% dans le canton de Berne. «Dans un nouveau canton dont la Constitution aura été élaborée par une assemblée paritaire, le Jura bernois disposera d’une représentation politique au moins égale à son poids démographique (42%). Il bénéficiera de deux sièges sur cinq au gouvernement, d’un voire deux conseillers nationaux et d’un conseiller aux Etats. Son poids politique sera donc multiplié par 8.»

Les partisans du processus susceptible de générer un nouveau canton s’en prennent aux formules censées «faire peur», affirmant que «le risque du mouvement est toujours plus stimulant que le culte du statu quo».

Une polémique a eu cours ce printemps sur les moyens à disposition du comité «Construire ensemble», les loyalistes bernois affirmant qu’il disposait d’argent provenant des pouvoirs publics jurassiens. Les partisans du projet de nouveau canton ont renoncé à 50 000 francs provenant d’une fondation alimentée par de l’argent du canton et des communes jurassiennes. Leur budget s’en trouve réduit à 130 000 francs, dont 50 000 sont amenés par les partis politiques favorables au oui. «Un tel scrutin n’est pas une affaire de moyens financiers», commente Pierre Kohler.