Révélateur du symptôme du manque de consensus national, les militants alémaniques de la Grève du climat se sont immédiatement distanciés sur les réseaux sociaux des intentions romandes, en précisant qu’ils ne soutiendraient pas un référendum. Actuellement, la frange d’activistes prêts à descendre dans la rue pour récolter des signatures est en effet exclusivement composée de sections romandes issues des cantons du Valais, de Vaud, de Genève, de Neuchâtel, du Jura et du Jura bernois. Sans s’arrêter sur ce Röstigraben, les représentants du mouvement ont rapidement éludé la question pour exprimer leur colère face à cet accord, selon eux «une faillite complète du système parlementaire».
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Une loi alibi
«On se saisit du référendum pour dire aux parlementaires: vous nous avez trahis. Nous ne pouvons plus vous faire confiance», souligne Emilie Ferreira, membre de la section genevoise de la Grève du climat.
Pourtant, la nouvelle loi sur le CO2 aurait bien pu échouer. Et c’est bien la pression de la rue qui a éveillé les consciences et permis de trouver une majorité au parlement pour une politique plus respectueuse de l’environnement. Fruit de trois ans de travail, la réforme est actuellement soutenue par tous les partis, hormis l’UDC, qui la juge trop radicale.
Elle introduit une série de taxes et de mesures pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et vise la neutralité carbone d’ici à 2050. En parallèle, elle prévoit la création d’un fonds pour le climat et une taxe sur les billets d’avion. Les activistes du climat, eux, rêvent d’aller plus vite et exigent le zéro carbone en 2030 déjà. Surtout, ils refusent de se voir «instrumentalisés» par des parlementaires qui «célèbrent une victoire, alors que c’est un échec complet».
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Risque d’autogoal
Au cœur des attaques, les Verts n’ont jamais caché qu’ils jugent la nouvelle loi insuffisante. Néanmoins, avec leurs alliés de gauche, du centre et des Vert’libéraux, ils se sont battus pour obtenir l’accord le plus ambitieux possible, au vu des équilibres politiques actuels.
Dès lors, attaquer ce texte par référendum est un «autogoal» des grévistes du climat, aux yeux de la conseillère aux Etats vaudoise, Adèle Thorens Goumaz. «On n’ira pas plus vite en refusant de faire ce premier pas. Moi aussi, c’est un premier pas qui me frustre. Moi aussi, je suis en colère. Mais il faut absolument faire ce premier pas et valider cette loi. C’est une étape indispensable pour les luttes à venir.»
Son propos fait écho aux réactions qui ont immédiatement fusé sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le rapporteur de la Commission de l’environnement, le socialiste Roger Nordmann, exhorte la population à ne pas signer le référendum des sections romandes des grévistes du climat. Il ajoute: «Combattre un pas en avant important pour le climat parce qu’on veut faire un plus grand pas serait une erreur historique. Cela finira par un pas en arrière.»
Mêmes arguments du côté de plusieurs organisations climatiques, à l’instar du comité de l’initiative pour les glaciers ou encore du lobby actif-trafiC. «Je ne vois aucune plus-value à soutenir un référendum, si ce n’est faire le jeu de celles et ceux qui ne soutiennent pas une politique du climat», précise son directeur Silas Hobi.
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Jeux dangereux
En effet, en optant pour la voie référendaire, les grévistes romands du climat prennent le risque de rejoindre le combat de l’UDC. Car le parti agrarien devrait lancer la semaine prochaine un référendum pour combattre cette loi jugée trop radicale, probablement soutenu par un groupement d’organisations proches des milieux automobiles et pétroliers.
«L’UDC est un parti «climato-négationniste». On n’a rien en commun. On aura des argumentaires différents, on aura des récoltes de signatures séparées», assure l’activiste genevoise Emilie Ferreira. Reste que, si le référendum aboutissait et si la loi était rejetée par le peuple, ce serait alors un retour à la case départ et le statu quo. C’est l’objectif visé par l’UDC.
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