En refusant le retrait de la demande d'adhésion, le chef du DDPS tourne le dos à une exigence quasiment obsessionnelle de l'UDC, qui la reformule à intervalles réguliers. L'incident survient par ailleurs à un moment quelque peu critique pour le parti, qui vient de perdre deux votations importantes, et qui a dû admettre, sur la libre circulation des personnes, à la fois l'expression d'une forte dissidence dans ses rangs et le forfait de Christoph Blocher, deux couleuvres difficiles à avaler pour les durs du parti. Que Samuel Schmid s'aligne de surcroît sur la position des adversaires de l'UDC est plus que n'en pouvaient supporter les Hans Fehr, Ulrich Schlüer et Christoph Mörgeli.
La position du président de la Confédération a par contre causé peu d'émotion dans les rangs des partis romands. Des parlementaires moins marqués idéologiquement, tels que le Thurgovien Peter Spuhler et le Fribourgeois Jean-François Rime ont pour leur part des raisons particulières de s'en prendre à Samuel Schmid, ils doivent se faire pardonner leur dissidence pour la votation du 25 septembre, pour laquelle ils avaient souscrit à l'extension de la libre circulation des personnes en disant par contre «adhésion à l'UE jamais». L'attitude de Samuel Schmid est d'autant plus mal prise qu'elle n'était même pas utile pour que le refus du retrait de la demande d'adhésion l'emporte, la majorité étant faite sans lui au sein du Conseil fédéral sur cette question.
Il est intéressant de se demander qui avait intérêt à trahir la position de Samuel Schmid lors de la dernière séance du Conseil fédéral. La plupart des bons connaisseurs des mœurs politiques fédérales n'hésitent pas à désigner Christoph Blocher lui-même. La «trahison» de Samuel Schmid, «demi-conseiller fédéral» fréquemment brocardé et désavoué par son propre parti, qui ne lui a épargné aucun affront, n'est pas vraiment un grave traumatisme. La position de Christoph Blocher sur la libre circulation des personnes en a été un, au contraire. Le lâchage du chef charismatique met en évidence le problème central de l'UDC, parti déchiré entre sa vocation à l'opposition grâce à laquelle il progresse et son désir de gouverner qu'il éprouve beaucoup de peine à satisfaire, en tout cas au niveau cantonal, faute de personnel politique à la hauteur. Une nouvelle stigmatisation de Samuel Schmid permettrait de détourner l'attention et d'éluder le débat, dans un milieu guère porté, il est vrai, à l'introspection et à la remise en question.
On en saura plus sur les intentions de la direction du parti à cet égard lors de la première séance du groupe parlementaire, au début de la session d'hiver des Chambres fédérales, comme le 3 décembre lors de l'assemblée des délégués que l'UDC prévoit de consacrer à l'Europe. Elle a le choix entre la mise en scène dramatique de la «trahison» de Samuel Schmid et l'oubli plus ou moins contraint des dernières péripéties.
Sans que cela ne change rien aux questions qui se posent à l'UDC, on entend encore évoquer d'autres origines à la fuite mettant en cause Samuel Schmid. Pascal Couchepin, qui a en quelque sorte imposé sa façon de voir au Conseil fédéral - non-retrait de la demande d'adhésion en échange d'une renonciation à l'objectif stratégique - tenait à le faire savoir aux milieux radicaux très réticents sur la question européenne. Ou encore Micheline Calmy-Rey, agacée par les prétentions de son collègue radical, aurait voulu diminuer son mérite en faisant apparaître la contribution de Samuel Schmid.
C'est sans doute faux mais, question machiavélisme, on ne prête qu'aux riches.