Campagne
Prenant appui sur la fête nationale, le parti et le comité contre l’UE passent la vitesse supérieure dans leur combat anti-européen. Ils s’attaquent à deux sujets liés, l’accord-cadre institutionnel et les «juges étrangers». Christoph Blocher apparaît à nouveau en stratège

La stratégie se déroule en plusieurs actes qui visent le même objectif: combattre la politique européenne du Conseil fédéral. Durant le week-end du Premier août, l’UDC a d’abord publié dans les médias deux pleines pages de publicité politique: une lettre ouverte aux Suisses signée d’Albert Rösti, le président du parti, louant l’indépendance et la souveraineté du pays, suivie d’une interview de Christoph Blocher sur la Suisse après le Brexit. Dans ce texte, l’ancien conseiller fédéral attaque l’accord-cadre sur les questions institutionnelles, en négociation entre la Suisse et l’Union européenne (UE) depuis mai 2014.
Suivra ce vendredi, une conférence de presse du comité «Non à l’adhésion insidieuse à l’UE», présidé par Christoph Blocher. Le 12 août enfin, l’UDC déposera son initiative fédérale «pour l’autodétermination», qui demande que les règles constitutionnelles suisses priment sur le droit international.
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La séquence de ces derniers mois, marquée par le double échec devant le peuple de l’initiative «Pour le renvoi effectif des criminels étrangers» et du référendum contre la loi sur l’asile, semble digérée. L’UDC et les comités qui lui sont proches se mettent en ordre de bataille pour passer à l’offensive contre l’UE, pour lequel ils ont préservé des forces, notamment financières. Christoph Blocher apparaît à nouveau en stratège et en chef de guerre.
Rencontre à Zurich
Certes, le parti souverainiste est passé maître dans l’art d’occuper le terrain politique au cœur de l’été. Mais le timing de son opération anti-européenne répond à une logique: le dossier occupera le devant de la scène politique à la rentrée. Même si les signaux en provenance de Bruxelles ne laissent guère d’espoir quant à la possibilité de trouver rapidement une solution concertée sur la libre circulation des personnes, le président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann tiendra encore une réunion avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, le 19 septembre à Zurich, en marge de la commémoration du discours de Winston Churchill sur l’Europe. De leur côté, les commissions parlementaires poursuivront l’examen du dossier et du projet de clause de sauvegarde unilatérale.
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C’est dans ce contexte que l’UDC lance sa «campagne de sensibilisation contre l’accord-cadre sur les questions institutionnelles», explique le conseiller national Thomas Aeschi (UDC/ZG). «Nous pensons que l’UE demandera à la Suisse d’approuver l’accord-cadre en échange de petites concessions sur la libre circulation des personnes». Cet accord occupe depuis des années les négociateurs: il doit régler de manière globale la manière dont la Suisse reprend, lorsqu’elles évoluent, les règles européennes disséminées dans une centaine d’accords bilatéraux; il s’agit aussi de se mettre d’accord sur la manière d’interpréter le droit et de régler les différends. Le Conseil fédéral cherche à éviter toute reprise automatique du droit communautaire et à séparer les négociations sur la libre circulation des personnes de celles sur l’accord institutionnel. De son côté, l’UE a plutôt intérêt à lier les deux dossiers.
Un casus belli
Pour sa part, l’UDC fait de l’accord institutionnel un casus belli. A ses yeux, laisser des «juges étrangers» interpréter le droit est intolérable: «Un tel accord-cadre ferait de la Suisse une colonie de l’UE», s’indigne Albert Rösti dans sa lettre ouverte. «Notre but, ajoute Thomas Aeschi, c’est le moment venu de gagner la votation contre l’accord institutionnel. Il représente un danger car il ressemble à une adhésion.» La campagne a débuté.
Un nouveau journal pour Christoph Blocher?
Ce mercredi, les médias alémaniques bruissent de cette rumeur: Christoph Blocher envisagerait de lancer un journal dominical gratuit, tiré à 500 000 exemplaires. Un concurrent pour les hebdomadaires payants que sont la NZZ am Sonntag, le SonntagsBlick, la SonntagsZeitung ou Schweiz am Sonntag.
Le stratège de la droite souverainiste aurait demandé des offres à des imprimeries et, selon le magazine spécialisé Schweizer Journalist, des dirigeants de la Basler Zeitung seraient associés au projet; Christoph Blocher est co-propriétaire du quotidien bâlois.
Les idées de l’UDC sont aussi soutenues par la Weltwoche, hebdomadaire dirigé par le journaliste Roger Köppel, élu au Conseil national en 2015 sous les couleurs de l’UDC.