Jura bernois
Comme dans le canton, l'UDC du Jura bernois a le vent en poupe après le dernier dimanche électoral, qui a vu Manfred Bühler accéder au Conseil national. L'UDC entend placer un autre Jurassien bernois au gouvernement, pour renverser la majorité de gauche

Les électeurs du canton de Berne sont très sollicités. Bien que n'ayant aucune chance, l'indépendant biennois Bruno Moser provoque un second tour, le 15 novembre, pour désigner les deux conseillers aux Etats, qui seront les sortants Hans Stöckli (PS) et Werner Luginbühl (PBD), les autres partis, et notamment l'UDC avec Albert Rösti, ayant jeté l'éponge.
Mais tous les regards sont déjà tournés vers le 28 février 2016. C'est à cette date que les Bernois désigneront les successeurs des ministres socialistes Philippe Perrenoud et Andreas Rickenbacher, tous deux élus en 2006, qui ont démissionné pour la mi-législature.
Les partis bourgeois, majoritaires au Grand Conseil, qui rongent leur frein depuis 2006 et l'avènement d'un gouvernement à majorité rouge-verte (3 PS, 1 Vert, 1 UDC, 1 PLR et 1 PBD), entendent renverser une majorité gouvernementale qu'ils malmènent à longueur de sessions parlementaires.
Siège francophone garanti
Reste à définir la bonne stratégie face à un PS qui défendra, avec l'appui du reste de la gauche, une majorité que les électeurs lui ont confiée à trois reprises, en 2006, avec confirmation en 2010 et 2014, avec l'appui, en 2014, de l'artifice de la moyenne géométrique pour désigner le représentant francophone au gouvernement, garanti selon la Constitution. Si on n'avait tenu compte que des sept premiers de l'élection, la majorité basculait à droite. Mais le 8e, le sortant socialiste Philippe Perrenoud, pour avoir obtenu un meilleur score dans le Jura bernois que le 7e, l'UDC Manfred Bühler, a pu conserver sa place et maintenir la majorité à gauche.
C'est l'UDC, premier parti bernois avec plus de 30% des suffrages dimanche dernier, qui détient la clé du basculement. Ce d'autant qu'il est sous-représenté au gouvernement, avec un seul ministre (sur 7). Deux écoles s'affrontent à l'UDC: les uns estiment qu'il ne faut présenter qu'un candidat, forcément alémanique; d'autres, avec une majorité du comité cantonal qui s'est réuni mercredi soir, pensent à l'inverse qu'il faut se présenter avec deux prétendants, l'un alémanique et l'autre émanant du Jura bernois, notamment pour s'attribuer le siège dévolu au Jura bernois.
Un autre UDC providentiel
Problème: cette deuxième stratégie impliquait que le candidat UDC du Jura bernois soit Manfred Bühler, l'exclu de 2014 en raison de la moyenne géométrique, qui s'est fait un nom non seulement dans la partie francophone, mais également dans la partie germanophone. Au point d'être élu, dimanche, au Conseil national. Manfred Bühler a été placé face à un choix cornélien: assumer son élection au parlement fédéral, où il sera le seul représentant des francophones bernois, ou réaliser son rêve de devenir conseiller d'Etat. «Dans l'intérêt supérieur du Jura bernois», écrit-il, il a décidé de n'être que conseiller national.
Choix rendu possible, poursuit-il, parce que l'UDC du Jura bernois dispose d'un autre homme providentiel, le député de Champoz Pierre-Alain Schnegg, 53 ans, ingénieur et patron à succès d'entreprise qui fabrique des logiciels pour PME, désigné par Ernst & Young «entrepreneur de l'année» en 2004, président à poigne et audacieux de l'Hôpital du Jura bernois.
Il souffre pourtant d'un handicap: il n'est pas connu des Bernois alémaniques. L'UDC bernoise décidera le 2 novembre si elle s'aligne derrière un unique candidat alémanique (Matthias Müller, Andreas Brand, Andreas Aebi ou Lars Guggisberg) ou si elle adoube un duo, avec un Jurassien bernois, au risque d'apparaître comme arrogante et voulant tout avaler, en briguant carrément deux sièges gouvernementaux dont aucun ne lui «appartient». Elle rétorque que le PS est aujourd'hui représenté par trois socialistes au gouvernement, alors que ce parti pèse 20%, contre 33% pour l'UDC.
Jamais encore de ministre UDC du Jura bernois
Ayant dû avaler les couleuvres ces dernières années, avec la non-élection d'Annelise Vaucher en 2006 de Manfred Bühler en 2014, les mises à l'écart répétées de Jean-Pierre Graber, notamment son éviction du Conseil national en 2011, l'UDC du Jura bernois sent qu'elle a le vent en poupe et entend en profiter, elle qui n'a jamais eu de conseiller d'Etat.
Elle pourrait atteindre son but, profitant du peu de concurrence, notamment à gauche. Certes, le député Roberto Bernasconi ne cache pas son ambition de succéder au camarade Philippe Perrenoud, mais il souffre d'un manque de notoriété et de crédibilité, déjà dans sa propre région. Celui qui aurait pu sauver la mise socialiste, le président de la Chambre d'économie publique du Jura bernois, Patrick Linder, 35 ans, ne sera pas en lice, estimant que «c'est trop tôt» pour lui.
Pierre-Alain Schnegg semble faire d'autant mieux l'affaire qu'il ne rechignera pas à reprendre le département «casse-gueule», sait-il, de la Santé et de la prévoyance sociale, qui a causé tant de tourments à Philippe Perrenoud. C'est peut-être pour éviter d'avoir à traîner un tel boulet que l'UDC bernoise pourrait, au final, renoncer à une candidature francophone, pour concentrer tous ses efforts autour d'un prétendant alémanique qui prendrait ensuite le département de l'Economie d'Andreas Rickenbacher (et ferait basculer la majorité à droite au passage), laissant la santé à un socialiste francophone.