Le bar Arch a sans doute connu des heures plus festives. L’UDC s’est retranchée dimanche dans ce local sans charme à côté de la gare de Winterthour pour suivre des résultats qui ont rapidement tourné à la gifle. Au fond de la salle, un modeste buffet annonce la couleur: ce ne sera pas un jour faste pour l’UDC. Les premiers arrivés garnissent leurs assiettes sans grand appétit, tandis que la salle s’emplit. Il n’y a guère que le président de la section schwytzoise, Roland Lutz, pour déambuler avec un large sourire. Il montre les premières tendances sur son smartphone: «Schwytz dit oui à 47%, nous avons le meilleur score du pays!»

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A côté de lui, la mine du chef de campagne, Thomas Matter, s’assombrit à mesure que tombent les résultats: «Nous savions que nous n’avions aucune chance face à nos opposants, qui ont lancé une campagne très agressive au budget illimité. Ils sont parvenus à semer le doute dans l’esprit des citoyens. Difficile de convaincre lorsque l’incertitude règne. Mais nous nous sommes battus jusqu’à la fin», commente-t-il.

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Le député zurichois refuse de divulguer combien son parti a investi dans la campagne, mais il estime avoir disposé d’un dixième des moyens en main de ses adversaires. Garder un ton neutre, éviter de faire peur, argumenter de façon rationnelle: la communication inhabituelle de l’UDC lors de cette campagne n’a apparemment pas porté ses fruits. Le responsable remet-il en question cette ligne? «Non, nous devions nous montrer rationnels. Si nous avions adopté un style agressif, nous aurions obtenu encore plus de non, par rejet anti-UDC.»

«Une menace trop abstraite»

Les stratèges rejouent l’histoire de David contre Goliath. «Lorsqu’il s’agit de nos thèmes fétiches, autodétermination, souveraineté, immigration, nous sommes seuls contre tous. Dans ce contexte, cette défaite n’est pas un échec», relativise le père de l’initiative sur l’autodétermination, le juriste et conseiller national zurichois Hans-Ueli Vogt.

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Mais, malgré un sursaut populiste de dernière minute, avec des images de minarets et de hordes d’étrangers passant la frontière suisse censées avertir de la menace posée par les juges étrangers, l’argumentaire UDC n’a jamais pris. Le président du parti, le Bernois Albert Rösti, s’évertue à conserver un air placide. «Contrairement à la pression démographique causée par l’immigration, que chacun ressent au quotidien dans le train ou dans les bouchons sur l’autoroute, la sauvegarde de la démocratie est trop abstraite.»

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Que dire du mauvais augure que laisse planer cette défaite en vue des élections fédérales de 2019? L’UDC est-elle en perte de vitesse? «La motivation interne est intacte, réplique Albert Rösti. Nous restons mobilisés de Genève à Constance. Peut-être plus encore, car nous sommes d’autant plus conscients qu’il faudra se battre pour nous maintenir au niveau de 2015. Si nous l’avions emporté, nous aurions encouru le risque de nous endormir sur nos lauriers.» A 15 h, la salle s’est vidée. Albert Rösti part pour Berne où il a rendez-vous avec la SRF. «Il faut garder la tête haute encore un moment!»