L'UDC se déchaîne contre l'extension de la libre circulation des personnes
CONSEIL NATIONAL
Le parti ne veut pas d'un accord pourtant négocié, plutôt habilement constate-t-on, par Christoph Blocher, et est apparemment prêt à tout pour le faire échouer devant le peuple au printemps prochain.
Le Conseil national a consacré mercredi plus de sept heures de débats à la libre circulation des personnes - avec beaucoup de redites, il est vrai -, ce qui traduit bien l'importance politique que va revêtir cette question d'ici au 27 mai 2009, date arrêtée pour l'organisation d'un scrutin populaire sur le ou les référendums qui vont être lancés.
Contrairement au Conseil des Etats, la Chambre du peuple a renoncé à joindre la reconduction et l'extension à la Roumanie et à la Bulgarie en un seul objet. Les fronts sont d'ores et déjà dessinés pour la campagne référendaire. Ce sera la bagarre de l'UDC contre toutes les autres forces politiques, sur l'extension de la libre circulation à la Bulgarie et à la Roumanie, un accord paradoxalement négocié, avec succès, presque chacun en convient, par Christoph Blocher. Une bagarre qui a déjà commencé mercredi avec cinq propositions de non-entrée en matière, assorties d'autres tentatives pour empêcher, entraver ou repousser l'approbation de l'extension de la libre circulation.
L'industriel thurgovien Peter Spuhler, qui n'hésite pas à s'exprimer en faveur de l'extension et qui insiste sur la nécessité de conforter la voie bilatérale, en relevant la contribution de la libre circulation à la croissance enregistrée au cours des deux dernières années, fait figure d'exception dans son groupe. Les élus de l'UDC ont exprimé mercredi une hargne contre l'Union européenne, qui «veut mettre le peuple suisse sous tutelle et démanteler la démocratie directe», dépassant la seule problématique de la libre circulation.
Pour le Zurichois Ernst Schibli, la libre circulation avec la Bulgarie et la Roumanie n'est qu'un triste chapitre d'une malheureuse évolution vers toujours moins d'indépendance.
Pas de mesures de rétorsion?
Pour l'idéologue du parti, le Zurichois Christoph Mörgeli, la Suisse n'a tout simplement pas besoin d'un accord sur la libre circulation, elle est capable de trouver sans cela la main-d'œuvre qui lui est nécessaire, et n'a en tout cas aucun besoin des Roumains et des Bulgares. «Je ne veux tout simplement pas de l'extension, qui ne nous amènera que chômage, délinquance et concurrence sauvage», affirme le Saint-Gallois Lukas Reimann. Les élus démocrates du centre ne croient pas non plus à des mesures de rétorsion de la part de Bruxelles. L'UE ne réagira pas, nous n'avons rien à craindre, assure l'Argovien Luzi Stamm.
C'est la même question qui se pose à chaque référendum, leur répondra la radicale bernoise Christa Markwalder: «Voulons-nous poursuivre ou non dans la voie bilatérale?» Et si l'on ne veut pas, on se retrouvera dans la même situation d'isolement qu'en 1992, tout en étant bien loin de bénéficier de la même compréhension pour le «Sonderfall Schweiz».
Eveline Widmer-Schlumpf et Micheline Calmy-Rey se sont attachées à préciser les conséquences d'un refus. En cas de non à la reconduction de la libre circulation, les Etats membres de l'UE n'auraient pas à s'interroger sur l'attitude à adopter envers la Suisse, puisque l'application de la clause guillotine à l'entier des accords bilatéraux I serait automatique en pareil cas. En cas de refus de l'extension, par contre, les Etats membres devraient s'entendre pour résilier l'accord sur la libre circulation, ce qui entraînerait ensuite le déclenchement de la clause guillotine. Il n'est «pas raisonnable», assure la ministre des Affaires étrangères, de spéculer sur le fait qu'il se trouvera un Etat membre pour s'opposer à cette résiliation et de prendre, pour des raisons partisanes, des risques sur une question mettant en jeu l'avenir du pays. En cas de refus de l'extension, au mieux toutes les décisions de l'UE relatives à la Suisse se trouveraient bloquées dans l'attente d'une solution, poursuit-elle. «Pourquoi donc irions-nous nous mettre dans une telle situation?»
Satisfaction tout de même
Si l'UDC a connu l'échec avec toutes ses propositions, elle aura au moins eu la satisfaction de voir le Conseil national refuser de joindre en un seul objet la reconduction et l'extension de la libre circulation, ce qui lui facilitera la tâche pour le lancement d'un référendum. Si la gauche et les Verts se sont prononcés très nettement en faveur de la solution adoptée par la Chambre des cantons, ce débat-là n'a pas traduit d'animosité particulière entre partisans de l'une et l'autre solution également soutenable juridiquement et politiquement. En fin de compte, le Conseil national s'est prononcé par 101 voix contre 82 (UDC, PRD et majorité du PDC) en faveur de deux arrêtés distincts et tout porte à croire que le Conseil des Etats se ralliera à cette façon de voir.
L'assemblée a encore repoussé un certain nombre de propositions venant de la gauche (mesures d'accompagnement dans le domaine du logement) et de la droite (référendum obligatoire). Elle a également refusé très nettement, par 129 voix contre 48, de lier l'acceptation de l'extension à la reconnaissance de notre souveraineté fiscale par l'UE.