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L'Université de Genève sort le grand jeu pour rendre quelque vertu à sa réputation

A l'occasion d'une séance d'information interne, le recteur a dénoncé les mauvais procès faits à l'alma mater.

C'est vers 8h20, jeudi, que le recteur de l'Université de Genève, André Hurst, a descendu les escaliers du bâtiment d'Uni Dufour pour gagner l'un des auditoires situés au sous-sol. Histoire d'arriver avec un peu d'avance, juste avant de commencer une journée pas comme les autres. Celle où l'Université, clouée au pilori pour ses errements comptables, a lancé sa contre-offensive.

Pas d'improvisation

Une opération d'envergure, interne à l'Université et destinée à informer le personnel sur la situation. Pour s'adresser à ses troupes, l'institution a fait les choses en grand: la séance a été retransmise dans d'autres auditoires par le biais de l'intranet. Dans les travées, l'équipe de communication serrait les rangs derrière Laurent Paoliello, l'ancien porte-parole d'Expo.02, rompu aux situations de crise et récemment engagé par l'Université.

Est-ce pour éviter d'éventuels faux-pas? Le recteur a renoncé à toute improvisation: son discours était écrit à l'avance. Et pour faire face aux questions du personnel, qui, avec quelques journalistes, remplissait aux trois quarts l'auditoire, André Hurst était entouré des trois vice-recteurs: la démissionnaire Louisette Zaninetti, Nadia Magnenat-Thalmann et Peter Suter, et des deux doyens chargés des groupes de travail mis sur pied le 5 mai dernier pour plancher sur les critiques faites à l'Université, Robert Roth (Faculté de droit) et Pierre Spierer (Faculté des sciences).

Les conclusions de cette analyse interne à l'Université seront transmises à l'ancien procureur et conseiller d'Etat neuchâtelois, Thierry Béguin, chargé par le Conseil d'Etat de mener une enquête générale sur l'Université.

Mauvais procès

Mais l'objectif du jour était avant tout de remonter le moral des troupes. Le recteur a insisté sur la valeur du travail effectué à l'Université et sur le rayonnement de ses recherches, le meilleur atout de l'institution, selon lui, pour redorer son image.

André Hurst a aussi évoqué les attaques des médias, provoquées par «des problèmes de gestion ponctuels» au sein de l'alma mater. Avant de dénoncer les mauvais procès faits à l'Université, notamment sur la question des notes de frais abusives.

Selon le recteur, «l'écrasante majorité des cas mis en avant par les rapports d'audits, remise en contexte, permet de mieux les comprendre». Et de citer l'un des exemples cités dans la presse: les chats et les chiens des professeurs qui auraient été gardés au frais de l'Université. En réalité, les indemnités pour la garde d'animaux, qui atteignent entre 17000 et 20000 francs par an, correspondent aux salaires versés aux remplaçants des personnes chargées de veiller sur les bêtes de laboratoire.

Dans le même registre, André Hurst a évoqué un cas où l'on reprochait à une collaboratrice de la Faculté de médecine d'avoir réclamé le remboursement de six nuits d'hôtel, alors que le congrès auquel elle avait assisté à l'étranger n'avait duré que deux jours. En fait, la jeune femme avait assisté à un séminaire de formation qui avait précédé le congrès.

La gouvernance divise

A l'issue de la séance, le rectorat et les deux doyens se sont proposés de parler à la presse. Lors de l'entretien réservé au Temps, cette fois autour de la table de conférence du bureau d'André Hurst, des dissensions se sont fait sentir autour des questions de gouvernance.

Le travail de réflexion interne mené par l'Université a relevé des problèmes liés à ses structures organisationnelles. Mais sur cette question, les cadres de l'Université ne semblent parvenir à aucun consensus.

André Hurst, lui, plaide pour un rectorat plus fort, mais assisté par une équipe dirigeante, qui pourrait être constituée des doyens.

Pour la vice-rectrice, Nadia Magnenat-Thalmann, une gouvernance efficace passe par l'instauration de lois fédérales. Elle se dit favorable au modèle en vigueur à l'EPFL, dirigé par un Conseil d'administration, ou encore à la nouvelle législation en vigueur à l'Université de Lausanne.

D'autres, tels que Robert Roth, refusent de condamner un mode de fonctionnement plus démocratique en vigueur à Genève, où tout le corps professoral est encore consulté pour une grande partie des décisions.

Des avis divergents qui n'empêchent pas le rectorat et les deux doyens de réclamer, à l'unisson, davantage d'autonomie pour l'Université, dont l'assujettissement à l'Etat est plus important qu'ailleurs en Suisse.

Fonctionnement féodal

Mais pour être plus libre, l'Université ne se doit-elle pas d'être irréprochable? André Hurst admet qu'une grosse remise en question du statut de professeur doit avoir lieu. «Certains dénoncent un fonctionnement quasi féodal de l'Université. Il est vrai qu'il y a des mandarins parmi les professeurs, et cela doit changer.»

Sur ce sujet, le recteur semble faire quelques concessions à la critique, en appelant de ses vœux un changement de culture au sein de l'institution.