Mais c’est évidemment le ressentiment contre les frontaliers qui fait la visibilité du MCG, portée par la personnalité d’Eric Stauffer, devenu l’empêcheur de tourner en rond de la vie politique genevoise. Il s’est notamment illustré en dénonçant les rémunérations et la politique de nomination des représentants de l’Etat au sein des régies publiques comme les Services industriels.
L’autre fait significatif de cette élection, s’il se confirme, est l’inversion du rapport de forces entre socialistes et verts. Pour la première fois en Suisse romande (le phénomène s’est déjà produit à Zoug), le parti écologiste devance le PS avec lequel il est allié. Le PS genevois paie ainsi une identité brouillée, alors que les Verts ont placé au Conseil d’Etat des magistrats pragmatiques et appréciés, notamment le brillant directeur des Finances David Hiler, qui n’a pas hésité à mettre en place une baisse d’impôts que le PS contestait.
Émiettement des forces traditionnelles, renforcement de Verts incarnés par des magistrats centristes, mais forte consolidation d’un vote protestataire qui, en ajoutant les voix de l’UDC, du MCG et de l’extrême gauche, représente plus du tiers de l’électorat: Genève se retrouve, plus fortement qu’il y a quatre ans, devant un grave défi de gouvernance.
L’Entente bourgeoise, avec 42 sièges, dispose d’une majorité relative plus étroite que lors de la précédente législature (47). Or, ses relations avec l’UDC se sont dégradées depuis la campagne contre la «racaille d’Annemasse» lancée in extremis par le parti, qui a tenté ainsi, mais en vain, de freiner l’élan du MCG. Les responsables du PDC et des radicaux ont alors répété avec vigueur leur refus d’une quelconque alliance avec l’UDC, refus que les libéraux, par la bouche d’Olivier Jornot, ont confirmée dimanche.
Dans ces conditions, il est plus difficile que jamais de prévoir la couleur politique du prochain gouvernement, qui sera élu dans un mois. Malgré son avancée, le MCG, privé d’alliés, ne paraît pas en mesure d’imposer ses candidats au Conseil d’Etat, pas plus que l’UDC affaiblie. Or, aucun des partis traditionnels ne présente des candidats susceptibles de rassembler le vote protestataire, de gauche comme de droite: c’est au contraire au centre que se profilent aussi bien les deux prétendants socialistes, Charles Beer (sortant) et Véronique Pürro (nouvelle), que les deux libéraux, Mark Müller (sortant) et Isabel Rochat (nouvelle). Il est toutefois possible que le PS peine à placer ses deux candidats, alors que l’Entente, déjà sensibilisée par les thèmes sécuritaires qui débordent des urnes, est en meilleure position pour espérer en encaisser les bénéfices. La mobilisation des uns et des autres fera in fine la différence.
Le taux de participation est à 40,26%, comparable à ce qu’il était il y a quatre ans.