L’USS veut un chèque de 500 francs pour tous les assurés
Monde du travail
Les syndicats critiquent le Conseil fédéral et exigent de lui qu’il présente toujours désormais un plan de soutien aux branches touchées lorsqu’il prend de nouvelles mesures sanitaires

«Nous entamons l’année dans une situation désastreuse sur le plan de la cohésion sociale.» L’Union syndicale suisse (USS) n’a pas mâché ses mots à l’occasion de sa traditionnelle conférence de presse en début d’année, n’hésitant pas à s’en prendre à sa «camarade» Simonetta Sommaruga, une présidente de la Confédération qui avait promis l’an passé «que personne ne serait laissé au bord du chemin» lors de la crise du coronavirus. «Cette promesse n’a pas été tenue», a regretté le président de l’USS, Pierre-Yves Maillard.
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Le responsable syndical a dressé un tableau très sombre sur le front du travail. Selon lui, plus d’un million de salariés ont perdu 20% de leur revenu pendant un mois ou davantage en 2020, et cela essentiellement dans les bas niveaux de salaires. «De nombreuses personnes se trouvent dans un état de désespoir qui n’est pas acceptable dans un Etat solidaire», a averti Pierre-Yves Maillard.
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Un sous-emploi inquiétant
Celui-ci pointe un chiffre inquiétant dans son diagnostic: le niveau de la sous-occupation qui a atteint «un record de 10%» en additionnant chômage, sous-emploi et chômage partiel. Or, ce taux n’avait jamais dépassé les 7% depuis les années 1990.
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La faîtière syndicale dresse un bilan très critique de l’action du Conseil fédéral, mais aussi des gouvernements cantonaux, accusés de manquer de cohérence dans leur réponse à la crise. «A chaque étape, l’Etat ne prévoit rien d’efficace pour remplacer les revenus de celles et ceux à qui il interdit de travailler», déplore encore Pierre-Yves Maillard, qui dénonce «les affres de la bureaucratie suisse». Des centaines de milliers de personnes sont renvoyées d’un service à l’autre, sans prise en compte de la spécificité de leur situation.
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L’USS pense ici au secteur de la gastronomie, qui doit perdre 40% de son chiffre d’affaires pour toucher une aide dans le cadre des cas de rigueur. «Ce seuil doit être abaissé à 25%», estime l’USS, qui exige qu’à l’avenir le Conseil fédéral n’impose plus de nouvelles mesures sanitaires sans qu’elles soient accompagnées par un plan de soutien économique des branches touchées.
Aux yeux de l’USS, l’essentiel consiste aujourd’hui à renforcer le pouvoir d’achat de la population. A cet effet, elle relance une idée qu’elle avait déjà proposée au début de la crise, mais en la présentant cette fois de manière plus importante. Elle veut redistribuer les recettes excédentaires des primes maladie à hauteur de 4 à 5 milliards de francs. Cela représenterait un chèque de 500 francs par assuré.
Attaque sur les réserves des caisses
C’est là un débat brûlant qui ne va pas manquer d’enflammer le monde de la santé ces prochains mois. En automne dernier, la nouvelle avait beaucoup étonné: malgré la pandémie, les réserves des caisses avaient encore grimpé à plus de 11 milliards de francs, dont environ 5 milliards sont excédentaires, soit au-dessus du minimum légal. Sur ce, le Conseil fédéral avait soumis en consultation un projet abaissant le taux de solvabilité des caisses de 150 à 100%, à partir duquel celles-ci pourraient utiliser leurs réserves pour juguler la croissance de leurs primes. Pour éviter un choc frontal avec les assureurs, le gouvernement les laissait libres d’y recourir ou non.
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Par sa proposition, l’USS rallume un débat dans lequel la principale association faîtière des caisses, Santésuisse, refuse d’entrer en matière. «C’est une mesure irresponsable», tranche son porte-parole Christophe Kaempf. «Il faut être heureux que les assureurs disposent de réserves suffisantes, car elles ont permis de garantir qu’il n’y aurait pas de hausse de primes en raison de la pandémie. Les réserves apportent de la sécurité et de la stabilité au système de santé en temps de crise», souligne-t-il.
L’autre faîtière des caisses, Curafutura, est moins sévère, mais qualifie l’idée de ce chèque forfaitaire de «fausse bonne idée, car prétéritant la stabilité du système». Elle souligne pourtant qu’elle est favorable à l’intégration des réserves dans le calcul des primes dans l’esprit du Conseil fédéral. «C’est la manière la plus directe de faire profiter les assurés des réserves en fixant des primes plus basses qu’en temps normal, et ce, plusieurs années de suite. Actuellement, il n’y a aucune marge de manœuvre, car les primes doivent correspondre exactement aux coûts», précise Adrien Kay, porte-parole de Curafutura.
Une chose est sûre. Actuellement, la base légale manque pour réaliser l’idée de l’USS. Les espoirs reposent donc sur une initiative parlementaire lancée par Philippe Nantermod (PLR/VS) en septembre dernier. Celui-ci propose de modifier la loi sur la surveillance de l’assurance maladie: «Lorsque les réserves d’un assureur dépassent les 150% du niveau minimum, l’excédent est redistribué aux assurés l’an suivant sous la forme d’un acompte sur les primes à payer.»
Le Valaisan est plutôt optimiste: «Ma proposition est mieux accueillie que le projet du Conseil fédéral», déclare-t-il. L’USS s’y rallierait, même si cette initiative n’aurait pas le même effet coup de poing pour les assurés et l’économie intérieure.