Marc Münster, l’égalité est aussi une affaire d’homme
Portrait
Géologue, spécialiste du développement durable, Marc Münster est devenu un promoteur de l’égalité sur le tard, qu’il défend dans son blog, «Les chroniques du #FerARepasser». Quitte à parler de sujets toujours plus personnels

Pour ses 20 ans, Le Temps met l’accent sur sept causes. Après le journalisme, notre thème du mois porte sur l’égalité hommes-femmes. Ces prochaines semaines, nous allons explorer les voies à emprunter, nous inspirer de modèles en vigueur à l’étranger, déconstruire les mythes et chercher les éventuelles réponses technologiques à cette question.
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L’idée était presque irrésistible. Prendre une poignée de chemises propres mais bien froissées et mettre notre interlocuteur devant une planche et un fer. Parce que c’est très bien d’intituler son blog «Les chroniques du #FerARepasser», mais seulement si on est vraiment bon dans le geste. Et à force de lire son auteur, Marc Münster, on ne peut pas s’empêcher de se poser la question.
L’intéressé rit à la proposition. «Faire une interview en repassant, oui, ça aurait pu être drôle», sourit-il. En réalité, on n’a pas osé. Il faudra donc croire ce jeune quadra sur parole. Ce qui est d’autant plus facile vu son enthousiasme et son air terriblement sincère: «Bien sûr que je fais vraiment du repassage. D’une part, parce que cette activité manuelle méditative est plaisante. D’autre part, parce que j’aime bien ce rôle dans le partage des tâches.»
Retrouveznotre page spéciale sur les articles liés à nos «causes».
Banal, mais important
Assis dans une petite salle de conférences de son bureau biennois, à côté d’un puits de lumière qui réchauffe juste assez les lieux, il l’admet volontiers: «Pour un homme, c’est gratifiant de dire qu’on repasse, on passe pour un progressiste. Si ma femme disait cela, on la traiterait d’arriérée.» C’est un constat permanent de ce blog qu’il tient depuis près de deux ans: «Le fait que je dise des choses si banales et qu’on me félicite montre à quel point on est loin de l’égalité», poursuit-il. Cet écart provoque aussi un déclic: il faut continuer, en faire davantage pour mettre fin au sexisme, au patriarcat.
Au bureau, Marc Münster est un géologue, spécialiste du développement durable et directeur général de la société de conseil et de formation Sanu à Bienne. A la maison et derrière son écran, ce Vaudois qui a grandi à Moudon, né de parents alémaniques, est un ardent défenseur de l’égalité. Très actif sur Twitter sur des questions politiques, il a été invité à tenir un blog sur le site du Temps sur le thème de son choix. Le géologue veut s’éloigner des problématiques de son travail et se lance sans y réfléchir trop longtemps dans le repassage, puis des sujets variés, mais surtout liés à l’égalité.
Que des louanges
Il se dit «timide et réservé». Cela ne l’empêche pas de parler de sujets de plus en plus personnels, voire tabous, avec un naturel déconcertant. C’est ainsi qu’il aborde sa vasectomie, comme s’il s’agissait de n’importe quel moyen de contraception. «Cela ne devrait rien avoir d’exceptionnel! C’est bien moins intrusif que de s’envoyer des cocktails d’hormones tous les mois», argumente-t-il. «J’ai fait beaucoup de recherches, mais personne n’en parle. C’est tabou, parce que cela touche à la masculinité. Quand on dit vasectomie, les gens entendent castration. Ce n’est pas du tout cela.» Son témoignage lui vaut d’être invité par l’émission Mise au point de la RTS. Il hésite. Son côté timide, dit-il, tout en avouant aimer parler. Il se lance: «J’ai pensé qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout de ma démarche qui est de parler de ces sujets pour les rendre normaux.» Non seulement elle suscite l’intérêt du public, mais, dans le privé, des personnes lui écrivent pour avoir davantage d’informations.
C’est l’un des autres avantages d’être un homme qui parle d’égalité: pas de torrents d’insultes, pas de trolls, pas d’obscénités. «Je ne reçois que des louanges», dit-il, admettant que, «même si c’est bon pour l’ego et gratifiant, c’est aussi un peu dérangeant de recevoir autant de compliments alors que je ne fais rien de spécial». Spécial, peut-être pas, mais certainement nécessaire: «Si personne ne le fait, alors cela ne se banalisera pas dans la société.»
Des filles plutôt que des garçons
Marc Münster n’est pas un féministe-né. Il n’a pas non plus grandi et baigné dans un environnement particulièrement militant. C’est au contact de la réalité, du monde du travail, de la politique que ses yeux s’ouvrent. «Pendant longtemps, je me serais décrit comme un progressiste mais conservateur dans le système. Je ne me serais jamais dit féministe. Par exemple, j’étais contre les quotas, je pensais qu’on n’en avait pas besoin», explique-t-il. Surtout, ajoute cet adepte des réseaux sociaux, «je ne dirais toujours pas que je suis féministe, parce que je ne suis pas la bonne personne pour dire aux femmes ce qu’elles doivent faire. Par contre, je pense qu’il y a beaucoup à faire du côté des hommes, et là, je pense que j’ai un rôle.»
Ses yeux s’ouvrent encore plus grands lors de la naissance de ses deux filles. «C’est là qu’on s’est rendu compte avec ma femme à quel point on entre vite et involontairement dans des schémas traditionnels qui ne nous correspondent pas. Il a fallu réajuster régulièrement.» Pour lui, il est essentiel d’avoir un jour avec ses deux filles, aujourd’hui âgées de 6 et 8 ans. Il passe immédiatement à 80% pour leur consacrer son mercredi. Seul et «en charge», parce que «c’est important d’avoir une présence forte, un rôle qui ne se cantonne pas à une aide de deuxième plan».
Un désengagement
Au travail, ce n’est pas un problème de réduire son activité. Le 80%, alors même qu’il a un poste à responsabilités, avait été négocié d’emblée. Même s’il se rend compte que pour d’autres, l’enjeu peut se révéler plus délicat. «Pour les femmes, la question ne se pose pas, mais pour les hommes, cela peut encore être vu comme un désengagement.»
Celui qui vit désormais à Berne n’a rien d’un révolté. Interrogé, il peine à citer des sujets qui l’indignent, même s’ils pourraient le toucher plus personnellement, comme le refus du Conseil fédéral d’entrer en matière sur le congé paternité. Chez Marc Münster, le militantisme est sans animosité, même avec une certaine sérénité qui semble découler d’une confiance que les choses vont continuer à s’améliorer. Notamment avec le congé des pères, dont il est persuadé qu’il finira par être adopté.
Toujours modeste, toujours tranquille, Marc Münster est cependant toujours plus ferme dans ses positions. Les quotas deviennent indispensables, jugent-ils aujourd’hui. «Au rythme où les choses changent, mes filles ne pourront pas en profiter», explique-t-il. Il vaut donc mieux utiliser des «moyens forts qui peuvent avoir des aspects négatifs importants pour changer le système. Ça sera désagréable au début, mais ensuite, quand ça aura fonctionné, on n’en aura plus besoin et la société sera meilleure.» Une société meilleure, c’est bien cela qui préoccupe Marc Münster, entre le développement durable et l’égalité. Et que le repassage soit impeccable.
Femmes inspirantes
1. Michèle Obama, dans le verbe, dans l'attitude. La femme de l'ex-président américain m'a marqué par ses discours inspirants
2. J'ai beaucoup d'estime pour plusieurs femmes qui font de la politique en Suisse. Des parlementaires, comme Adèle Thorens, qui concile ce rôle politique et leur vie privée. Elles ont un rôle important dans un parlement largement composé d'hommes de plus de 50 ans qui ont le temps.
3.Il y a beaucoup d'auteures que j'ai trouvé inspirantes. Mais j'aimerais citer Elisabeth Badinter pour ses phrases coup de poing qui remettent les choses en place.