Une claque, un avertissement, un signal que la curée peut commencer. Il y a de tout cela sans doute dans l’élection gâchée de Marie Garnier à la présidence du gouvernement fribourgeois, le 19 novembre dernier. Certes, la politicienne verte a fini par accéder au fauteuil qu’elle occupera en 2016. Mais il a fallu pour cela deux tours de scrutin au parlement cantonal. Du jamais-vu de mémoire de politicien fribourgeois. Au second tour, elle n’a obtenu la majorité absolue qu’à quelques voix près.

Qu’à donc fait la magistrate pour mériter un tel traitement lors d’une désignation qui est le plus souvent de routine? Son élection au Conseil d’Etat, en 2011, pour succéder à Pascal Corminboeuf, est une heureuse surprise. Alors directrice du centre de Pro Natura de Champ-Pittet (VD), elle séduit par sa fraîcheur, par le fait qu’elle ne provient pas du sérail, elle non plus. Même si elle est issue d’une bonne famille radicale.

Le maillon faible

Quatre ans plus tard, force est de constater que la nouvelle ministre, dont la direction disparate couvre les institutions et la politique agricole, n’a pas réussi à capitaliser sur sa popularité. En tout cas pas dans la classe politique, où elle suscite de tout bord des commentaires souvent sévères, sur son attitude autant que sur son bilan.

Bien sûr, il faut tenir compte du contexte. A un an des élections cantonales, la droite avance groupée (PDC/PLR/UDC) et vise un 5e siège au Conseil d’Etat. L’écologiste, dont le parti ne fait que 5% des voix, devient de ce simple fait le maillon faible.

Mais Marie Garnier prête aussi le flanc à la critique. Paysans, communes, elle peine à gagner les audiences auxquelles elle s’adresse. Son rire passe pour de l’improvisation, sa facilité de contact pour de la désinvolture, sa liberté de ton et d’allure au mieux pour un manque de tact, au pire pour une incapacité à incarner l’autorité dont elle est dépositaire. «Chaque fois qu’elle prend la parole elle perd des voix, juge un haut serviteur de l’Etat, je ne donne pas cher de sa peau.»

Déroutante

Déroutante, Marie Garnier? «Tout le monde convoite mon siège mais peine à attaquer mon travail politique, se défend-elle. J’ai l’impression qu’on regarde mes petites erreurs avec un verre grossissant.» Elle énumère les dossiers qu’elle a fait avancer, la loi sur la médiation, la loi sur l’exercice des droits politiques, les produits de proximité dans les cantines scolaires. Elle travaille aussi au désenchevêtrement des tâches, «mais dans le domaine institutionnel, une législature ne suffit pas pour mener à bien une réforme. Il y a un énorme travail en amont.»

Il manque encore à Marie Garnier la réalisation consistante qui assure à l’ancienne conseillère communale (exécutif) de Villars-sur-Glâne une place incontestée de ministre. Minoritaire dans un gouvernement qui passe globalement pour plutôt faible, elle n’est pas portée par une dynamique d’équipe. Du coup, on la critique aussi pour ce qu’elle n’a pas fait. Les partisans de la fusion du Grand Fribourg, tout comme ceux du redécoupage des districts, lui reprochent de ne pas être le moteur de ces dossiers qui traînent.

Contact facile

Pour redresser la situation dans les mois qui viennent, Marie Garnier ne peut avoir qu’une confiance limitée dans l’allié socialiste. Le PS l’a soutenue en 2011 mais sera tenté, face à l’offensive droitière, de privilégier ses propres candidats. Même son propre parti ne fait pas forcément bloc derrière elle. «C’est une Verte, elle n’est ni à gauche ni à droite», souligne Luc Bardet, le président des Verts fribourgeois. Pour lui, c’est un compliment. Mais la section de Fribourg-Ville, marquée à gauche, se sent beaucoup moins en phase avec la conseillère.

Face aux critiques de la classe politique, Marie Garnier mise sur le soutien de la population, avec laquelle elle soigne un contact facile. «On me dit «au moins vous, vous dites la vérité», car je réfléchis de manière indépendante, en dehors des moules, se flatte-t-elle. La population, qui n’aime pas la politique politicienne, me jugera sur mes résultats.»

Profitant du fait que l’on célèbre en 2016 le 500e anniversaire de la Paix perpétuelle entre les Suisses et la France, elle a placé sa présidence sous le signe de la paix. La paix entre ville et campagne, économie et environnement, la paix sociale, la paix des langues, la paix religieuse. Elle recommande aux Fribourgeois la lecture de l’Encyclique Laudato si' du pape François sur la sauvegarde de notre «maison commune», la planète. Une lecture qui la conforte, elle qui craint parfois de prêcher dans le désert. Et c’est promis, elle va soigner son image: «Je suis décontractée, cela peut gêner ceux qui ont l’habitude du formalisme. Je vais y faire attention.»