Election
L’humoriste était l’une des envoyées spéciales du «Temps» pour couvrir les élections au Conseil fédéral. Elle s’est approchée au plus près des politiciens calculateurs, des Jurassiens heureux et est arrivée à une conclusion: à Berne, tout le monde peut tomber
Elle a affronté le froid, Marina Rollman. A la veille des élections au Conseil fédéral, l’humoriste a tenté de sentir les tendances, alors que, à Berne, les dernières tractations s’arrosaient de vin blanc. Elle a interrogé de nombreux parlementaires, n’hésitant pas à qualifier, avec humour, les élus socialistes de «camarades». La comédienne a aussi pris le pouls de la population bernoise, dans l’ambiance étrange des nuits précédant les élections du Conseil fédéral. Alors, sont-elles aussi ennuyeuses que la rumeur le dit? Rencontre dans la cafétéria austère du centre de presse du parlement.
Le Temps: L’élection de la socialiste jurassienne Elisabeth Baume-Schneider en a surpris plus d’un. Vous aussi?
Marina Rollman: Je n’ai pas arrêté de poser la question aux parlementaires. J’ai passé des heures à demander s’il y avait du suspense, et tout le monde me disait: «On s’en fout, tout est joué, l’important c’est l’année prochaine.» La victoire était, pour le coup, vraiment inattendue, c’était super, mais… On ne sait pas à quel point tout ça est orchestré, pas forcément par des amis du Parti socialiste ou de la Romandie. Qui a ourdi quoi?
Que dit cet événement de la culture politique suisse?
Elle est paradoxale: elle traite de grands enjeux, mais la politique suisse avance sous le manteau du «circulez, il n’y a rien à voir». On invoque à tour de bras l’humilité, pourtant je pense que c’est une politique tout aussi stratège et retorse que celle pratiquée à visage découvert, comme aux Etats-Unis ou en France.
Justement, en France et en Suisse, ce sont deux manières opposées de faire de la politique?
En Suisse, la politique avance avec une main de fer dans un gant de velours: on fait tous semblant qu’on s’entend, c’est collégial. On adore donner l’image qu’il n’y a pas vraiment d’ennemis, qu’on doit tous se mettre d’accord pour avancer… Et j’ai l’impression que cela cache de la violence couverte, plus passive-agressive. La politique française aime faire le show façon tauromachie. Ils ont tous été à l’école ensemble, ils ont été dans les partis des uns et des autres. Dès que les caméras arrêtent de tourner, ils vont boire un coup ensemble. Le milieu politique suisse est beaucoup plus hétérogène que le français. Les politiciens ne viennent pas du tout des mêmes régions, des mêmes milieux, ni des mêmes métiers et classes sociales. Ça se tire dans les pattes derrière une politesse de façade.
Ici, à Berne, avez-vous été confrontée à ces deux visages du politicien ou de la politicienne suisse?
Tout le monde était hyper accueillant. Je suis désolée de constater que tous les UDC à qui j’ai parlé étaient monstre sympas (rires). L’animal politique suisse est extrêmement bien rodé à la machine médiatique, on ne réussit pas à accéder aux autres couches de sa personnalité, c’est fascinant. Dès l'embrayage, comme un jouet mécanique, les parlementaires déballent leurs éléments de langage, les projets du parti, même si on tente une approche légère. Je suis fascinée par leur professionnalisme, même avec cinq coups dans le nez… Ça doit faire partir du métier de politicien de toujours filtrer ce qu’ils disent.
Une envie de se lancer dans la politique?
Il faut vraiment être passionné pour faire des allers-retours entre Berne et chez soi, se taper ça en plus de son job. J’ai l’impression que la politique fédérale, c’est un peu un truc de geek. C’est assez touchant d’en être témoin. Pour suivre la politique suisse, avec son fédéralisme, il faut vraiment avoir les mains dedans… Et vivre à Berne, c’est dangereux. On se casse vite la figure, il y a énormément de pièges.