Frontaliers en hausse
Mais cette politique ne porte guère de fruits, constate avec amertume et colère Mauro Poggia: le chômage stagne, de même que le nombre global d’emplois offerts par l’économie genevoise. Selon l’Office cantonal de la statistique, le nombre de frontaliers qui travaillent dans le canton, 85 000 personnes, a augmenté de 7,5% au troisième trimestre 2016 par rapport à la même période de 2015. «Cette progression, dont le rythme s’accélère depuis 2015, est l’une des plus importantes enregistrées depuis début 2012», constate l’Office. La Suisse compte, elle, 314 000 travailleurs frontaliers.
«Il y a toujours une grande majorité d’entreprises genevoises qui n’ont pas compris, qui ne jouent pas le jeu et qui n’annoncent pas leurs postes vacants à l’Office cantonal de l’emploi», déplore le conseiller d’Etat interviewé par la RTS. Pour lui, la politique mise en place «bute contre les intérêts économiques de nos entreprises, qui, entre responsabilité sociale et intérêt à court terme, préfèrent le second». Il en appelle à «un électrochoc».
Echo national
Ce constat prend une résonance particulière après le vote aux Chambres fédérales, le 16 décembre dernier, de la loi d’application de l’initiative de l’UDC sur la gestion de l’immigration. Une «coquille vide», critique le ministre genevois. Les dispositions adoptées ne contreviennent pas à la libre circulation des personnes et ne mettent donc pas en danger les relations bilatérales avec l’Union européenne. Elles misent sur une préférence nationale «light»: à la place de quotas contraignants qui s’opposeraient frontalement à la libre circulation des travailleurs, elles prévoient un système incitatif d’embauche des chômeurs enregistrés en Suisse. Une solution plus contraignante pour les employeurs, soutenue par le PLR Philipp Müller, avait été balayée par les milieux économiques puis les parlementaires.
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Mauro Poggia fait de sombres pronostics pour le cas où une votation devait se tenir sur le sujet, ce qui appartient un peu plus au champ du possible depuis qu’un politologue de l’Université de Lucerne a lancé un référendum contre la loi d’application de l’initiative de l’UDC. «Notre économie semble avoir conservé l’arrogance qu’elle avait à la veille de la votation du 9 février 2014, critique Mauro Poggia. Elle considère qu’elle peut impunément continuer à aller puiser dans un marché de travailleurs de 240 millions de personnes. Si ces entreprises ne prennent pas conscience qu’elles touchent le tissu social helvétique, lors de la prochaine votation dans laquelle on demandera au peuple s’il faut sortir des accords de libre circulation, ce sera un oui massif.»
Préférence nationale, mode d’emploi
Selon la nouvelle loi fédérale sur les étrangers, publiée dans la Feuille fédérale du 28 décembre, de nouvelles obligations incombent aux autorités pour mieux gérer l’immigration et l’afflux de travailleurs étrangers:
■ Le Conseil fédéral prend des mesures «visant à épuiser le potentiel qu’offre la main-d’œuvre en Suisse».
■ «Lorsque certains groupes de professions, domaines d’activité ou régions économiques enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne, il y a lieu de prendre des mesures limitées dans le temps visant à favoriser les personnes enregistrées auprès du service public de l’emploi en tant que demandeurs d’emploi. Ces mesures peuvent être limitées à certaines régions économiques.»
■ «Les postes vacants dans des groupes de professions, domaines d’activité ou régions économiques qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne doivent être communiqués par les employeurs au service public de l’emploi. L’accès aux informations concernant les postes communiqués est restreint, pour une période limitée, aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi en Suisse.»
■ «Le service public de l’emploi adresse à l’employeur, dans les meilleurs délais, des dossiers pertinents de demandeurs d’emploi inscrits. L’employeur convoque à un entretien ou à un test d’aptitude professionnelle les candidats dont le profil correspond au poste vacant. Les résultats doivent être communiqués au service public de l’emploi.»
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