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«Je me suis propulsé de l'autre côté de la barrière»

Le nouvel élu prédit un réveil brutal à ceux qui s'accrochent à tous les acquis.

Le Temps: Un commentaire sur votre résultat?

François Marthaler: Je le reçois avec émotion. Je suis redevable aux Vaudois, qui ont sans doute été tentés de s'abstenir et qui ont finalement tenu à marquer le coup. Une participation de 35%, même avec le vote par correspondance, c'est considérable. C'est aussi un joli retournement du destin. Dire que j'avais été décrit par les médias comme un illustre inconnu, le rattrapage a été rapide et massif!

– Il a fallu un 2e tour, en raison de l'obstination d'un candidat marginal. Faut-il vraiment changer la loi pour éviter que cela ne se reproduise, ou ce risque fait-il partie de l'exercice démocratique?

– Cela vaut la peine de changer la loi. On a vraiment fait du travail pour rien. L'expression populaire avait été respectée au premier tour. Les résultats à la soviétique d'aujourd'hui ne sont pas glorieux pour la démocratie, ni pour l'un ou l'autre des candidats. Personnellement en tout cas, je n'en tire aucune fierté.

– Quel département allez-vous occuper?

– Il y a des velléités de changement au sein du Conseil d'Etat. Mais le jeu de quilles peut avoir des conséquences assez lourdes. Pour le moment, mon scénario privilégié est la reprise du Département des infrastructures que dirige Philippe Biéler. L'élaboration du plan directeur cantonal est un sujet qui me passionne, je considère que ce dossier est la clé de voûte des politiques à long terme de ce canton. Je mettrai tout mon poids dans la balance pour tenter d'obtenir la gestion de ce dossier, au besoin dans le cadre d'une délégation du Conseil d'Etat.

– Votre campagne électorale était presque celle d'un conseiller d'Etat sortant. Vous avez insisté sur la continuité, fait allégeance au programme de législature. Maintenant que vous y êtes, allez-vous tout de même apporter quelque chose de neuf?

– Oh, cela sûrement! Je veux œuvrer pour la concrétisation massive du développement durable, au-delà des déclarations de principes. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat est obnubilé, paralysé par la nécessité de gérer l'urgence, avec des décisions qui se prennent de trois mois en trois mois. Il faut se poser des questions à plus long terme. En toute modestie, je serai dans l'équipe gouvernementale celui connaît le mieux ce qu'il faut entendre par développement durable, ce qui se cache là-derrière. Le fait que les politiques publiques en la matière se précisent, notamment sur le plan fédéral, nous y aidera.

– Que dites-vous à tous ceux qui ont manifesté, jeudi dernier, contre le projet de budget 2004?

– Je suis choqué lorsqu'on brandit le slogan du «démantèlement» du service public. Il faut que la fonction publique se réveille. Lorsqu'il faudra régler la problématique d'un déficit structurel de 250 millions, ce sera autre chose que la suspension provisoire de l'indexation des salaires. On ne fait que commencer, cela sera très dur. Mais c'est à ce prix-là que les Vaudois et la classe politique reprendront confiance en eux.

– Là, c'est déjà le conseiller d'Etat qui parle. Votre parti s'était associé à cette manifestation…

– Oui, c'est très clair, je me suis propulsé dans ma tête de l'autre côté de la barrière. Si l'on continue à se cramponner à tous les acquis, comme l'indexation des salaires pour 2004, le retour de balancier sera terrible.