Les médias étrangers s’entichent de Lausanne et Genève. Enquête sur un engouement
vie urbaine
Trois articles coup sur coup, dans de grands médias étrangers, célèbrent les charmes urbains des deux capitales lémaniques. Les offices du tourisme jouent un rôle crucial dans ce phénomène

Le Quartier des Bains, à Genève, comparé à un «little SoHo» dans un article du New York Times , en mars dernier. Lausanne, rebaptisée «San Francisco suisse» dans un classement du Huffington Post , il y a une semaine. Pour la presse internationale, les charmes de notre pays ne s’arrêtent pas à la Jungfrau, au pont de Lucerne et aux boutiques de luxe zurichoises. Ce n’est pas une découverte, mais le phénomène s’est intensifié ces derniers mois, propulsant Genève et Lausanne au rang de petits bijoux, à la fois agréables à fréquenter et pointus sur le plan intellectuel. Cet article encore, de L’Express français, sorti le 9 avril, saluant la capitale vaudoise qui «a désormais plus à offrir que sa douceur de vivre»: «dopée à la créativité, elle multiplie les initiatives qui ont métamorphosé son image», souligne le journaliste qui, de l’ECAL au Musée olympique en passant par le Rolex Learning Center et le Flon, célèbre la belle énergie du lieu. La raison de cet enthousiasme médiatique? Suivons les guides.
Il figure en bonne place dans l’article du magazine français, L’Express. Avec deux associés, Patrick Bühler a lancé en mars 2014, à Lausanne, Aegon + Aegon, cabinet des curiosités qui propose des objets de design et de déco singuliers. Sa situation? La place du Tunnel qui, de loin, n’est pas la plus glamour de la ville. «C’est la dernière place lausannoise qui n’a pas encore été réhabilitée, confirme le graphiste et photographe. Pourtant, elle est très ouverte et ensoleillée. Et entourée d’enseignes de qualité, comme la styliste Collection 66, ou la Couronne d’Or, bistrot prisé. Elle est promise à un bel avenir!» assure le commerçant, qui n’a pas attendu que cette place sorte du… tunnel pour ouvrir son adresse, liftée, stylée. Et ça marche. «On est très contents: on a des clients fidèles, de nouveaux venus et beaucoup d’articles dans la presse.» Justement, Patrick Bühler, qu’avez-vous fait à Antoine Moreno, journaliste de L’Express, pour qu’il commence son parcours lausannois avec votre boutique? «Rien du tout. Je ne le connais pas!
En fait, Antoine Moreno est un journaliste belge qui a d’abord écrit cet article pour un magazine de son pays avant de le vendre à L’Express français. Il est arrivé chez nous par hasard et a adoré. Je ne lui ai rien fait, mais par contre, son article a fait beaucoup pour nous! Plus d’une dizaine de personnes sont venues grâce à lui et des journalistes nous ont contactés.» La presse, qui connaît quelques turbulences structurelles, peut se réjouir: en matière touristique, son impact est encore intact.
Un article plus efficace qu'un campagne de publicité
«Un bon article est un des meilleurs outils promotionnels», confirme Steeve Pasche, 35 ans, directeur de Lausanne Tourisme depuis juillet dernier. «On peut faire des clips, des actions ciblées, des campagnes de publicité, etc. Un article aura toujours plus de force, car l’auteur est quelqu’un de neutre, libre de ses choix a priori, qui recommande notre destination.» C’est d’ailleurs Lausanne Tourisme qui est à l’origine de la venue de ce journaliste belge qui a vendu ses louanges lausannoises au magazine L’Express. Par contre, jeudi dernier, quand on l’a contacté, Steeve Pasche ne savait encore rien du classement du Huffington Post qui place Lausanne parmi les 11 villes sous-estimées d’Europe et la compare à San Francisco. «Nous sommes en plein Association Congress, une réunion très importante en matière de tourisme d’affaires, expliquait alors le directeur. L’an dernier, ce congrès s’est déroulé à Paris, l’année prochaine, il aura lieu à Berlin. Cette année, nous l’avons obtenu contre Amsterdam, c’est un formidable tremplin pour la tenue de réunions, sommets et congrès dans notre ville.»
A quoi le jeune responsable de Lausanne Tourisme attribue-t-il cette cote d’amour grandissante des deux villes romandes dans les médias internationaux? «Je vois deux causes. D’un côté, des événements d’audience mondiale qui améliorent notre visibilité, comme les récents accords sur le nucléaire iranien, la venue de François Hollande ou les cent ans du Comité international olympique. De l’autre, le travail de nos mandataires en Italie, Angleterre, France, dans les pays du Golfe ou en Chine, qui consiste soit à organiser des événements sur place qui nous présentent au monde, soit à envoyer des journalistes en Suisse.»
L'exemple du New York Times
Même analyse du côté de Pascal Buchs, responsable des relations publiques et des médias européens à Genève Tourisme. «De manière générale, on travaille main dans la main avec Suisse Tourisme et on organise des voyages de presse avec des tours ciblés en fonction des intérêts des journalistes invités.» Pascal Buchs ne connaît pas l’auteur de l’article du New York Times qui compare le Quartier des Bains à SoHo et qui a valu à cette manifestation d’art contemporain «une importante vague d’intérêt de la part de médias étrangers, à l’instar de ce reportage de Metropolis, tourné par la chaîne Arte», se réjouit Anne Niederoest, chargée de communication du Quartier des Bains.
En revanche, le responsable des relations publiques de Genève Tourisme se souvient très bien d’un journaliste du même titre, le NYT, qui est venu l’automne dernier dans le cadre d’un voyage commercial organisé par l’office genevois et qui est tombé amoureux du Musée international de la Réforme au point d’écrire un papier uniquement sur ce sujet. «C’est une stratégie, explique-t-il. Dans le tour que l’on propose aux journalistes, on imagine certaines curiosités inédites susceptibles de les accrocher.» Mieux, durant cette visite, les journalistes rencontrent un anonyme du cru qui livre sa vision de Genève. «Cela peut être un restaurateur, un artisan, le retraité qui s’occupe du Jet d’eau… la condition, c’est que cette personne ait une anecdote particulière à raconter.» Encore mieux, Genève Tourisme choisit cet interlocuteur en fonction de la nationalité des journalistes invités. «C’est sûr que si cet habitant vient du même pays que le rédacteur et parle sa langue, ça facilite les choses. Il laissera une trace plus forte dans ses souvenirs», détaille Pascal Buchs, adepte de la campagne avec bonus affectif.
En matière d’actualité et d’innovations, Genève Tourisme savoure son World Travel Awards 2014, l’équivalent des Oscars de l’industrie du tourisme, reçu en août dernier. «C’est la première fois qu’une ville suisse reçoit une telle récompense, se rengorge-t-il. Elle résulte de nos efforts pour développer Genève comme destination de loisir – actuellement 20% des nuitées –, avec une offre qui répond parfaitement aux besoins des city breakers, c’est-à-dire des amateurs de courts séjours.» En témoigne cette toute dernière initiative: le «Geneva Girls’ Guide, un guide 100% féminin dédié aux séjours entre copines», dit le communiqué de presse. Ou comment exploiter les qualités de shopping et de bien-être qu’offre la ville du bout du Léman… «De plus en plus de femmes s’offrent de brèves escapades entre amies. Nous lançons un forfait qui leur est dédié comprenant une nuit d’hôtel, la gratuité des transports et d’autres surprises juste pour elles», détaille Pascal Buchs. Ce professionnel n’oublie pas pour qui travaillent tous les offices de tourisme de la planète. «Nos principaux bénéficiaires sont les hôtels. Notre rôle essentiel consiste à leur amener de la clientèle. Tous les articles de presse et toutes les innovations qui vont dans ce sens sont les bienvenus!»