Gerold Biner, directeur d’Air Zermatt et conseiller communal à Zermatt, ne se sent pas entendu. Depuis des années, les places d’atterrissage en montagne utilisées pour l’héliski font l’objet de discussions. Mais, à fin 2012, un rapport de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage a estimé qu’il convenait de fermer celle du Mont-Rose. Parce que l’héliski n’est pas compatible avec l’inscription de cette zone à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale.

Au café du matin, c’est de cela que Gerold Biner parle avec le garde-chasse venu en visite sur la base d’Air Zermatt. «Nous devrions pouvoir prendre position sur ce rapport mais cela ne s’est toujours pas fait», s’énerve-t-il. En novembre 2010, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a rendu une décision concernant les six places d’atterrissage en montagne pour la région Valais Sud-Est, soit la région de Zermatt. Elle ajoutait aux cinq places existantes celle du Trift, sur la rive gauche de la vallée, mais ne maintenait que provisoirement celle de l’Unterrothorn. Cette décision a fait l’objet d’oppositions et, en 2011, le Tribunal fédéral a estimé que le DETEC devait demander un rapport à la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage à ce sujet.

«La région du Mont-Rose n’est comparable qu’avec celle du Mont-Blanc dans les Alpes occidentales», estime la commission. «Elle est principalement utilisée pour l’héliski avec quelque 800 mouvements d’hélicoptères entre mars et mai, soit des dizaines par jour», précise le rapport. Il recommande la fermeture de la place, sauf pour les vols d’entraînement des pilotes pour lesquels il n’existe pas d’équivalent en Suisse et qui devraient être limités à 100 par année.

Pour Air Zermatt, une telle interdiction représenterait un manque à gagner important. Et suscite l’incompréhension. «Nous sauvons environ dix personnes par jour, mais le prix facturé du sauvetage ne rembourse pas les coûts réels, alors nous payons la différence entre autres grâce à l’héliski», explique Gerold Biner. Le sauvetage coûte 180 francs la minute de vol mais est facturé 87 francs la minute, selon l’accord passé avec les assureurs.

Alors que Zermatt dispose en tout de six places d’atterrissage pour l’héliski, le Mont-Rose si connu représente la partie la plus importante de ces vols commerciaux. Plus de 50%, selon Gerold Biner. «Les seuls vols au Mont-Rose représentent entre 500 000 et 1 million de francs par année sur un chiffre d’affaires global de 15 millions», explique-t-il. «Et il faut tenir compte du fait que, pendant les premiers mois de l’année, l’héliski représente la moitié des revenus de la compagnie.» Il n’existe pas de véritable alternative commerciale. Deux des places d’atterrissage (Unterrothorn et le glacier du Théodule) sont situées sur le domaine skiable et n’offrent pas les possibilités du hors-piste. Reste l’Aeschhorn – «situé dans une gorge où se réfugient les bêtes en hiver et que l’on n’utilise presque plus pour cette raison», explique Gerold Biner –, la nouvelle place du Trift et l’Alphubel – «très peu utilisé».

Pour le patron d’Air Zermatt, «le rapport de la commission a été écrit par des gens qui ne connaissent pas la région et qui disent que l’on dérange les cailloux: à 4200 mètres, il n’y a ni chamois, ni bouquetins.» Ce que le secrétaire de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage, Fredi Guggisberg, sait bien. «Le problème du bruit ne concerne pas la faune, mais la préservation d’un paysage d’importance nationale dont l’une des qualités digne de protection est le silence», ex­plique-t-il. «La commission est composée de quinze experts spécialisés en biologie, géographie, aménagement du territoire, architecture et histoire de l’art. Parmi eux, il y a un guide de montagne et plusieurs personnes qui connaissent bien cette réalité.»

Le dossier doit être revu par le DETEC à la lumière du rapport de la commission. C’est lui qui effectuera la pesée d’intérêts entre la protection d’un site exceptionnel, l’économie et les nécessités du sauvetage en montagne. L’Etat du Valais ne se prononce pas sur ce dossier pour l’instant. Quant à la commune de Zermatt, elle a pris les devants, demandant le retrait de la région du Mont-Rose de l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale.

«Les seuls vols au Mont-Rose représentent entre 500 000 et 1 million de francs par année»