Égalité
Les allocations pour perte de gain maximales sont 20% plus élevées durant le service militaire obligatoire que lors du congé maternité. Une juriste zurichoise se bat contre cette discrimination

La loi accorde moins de valeur au congé maternité qu’au service militaire. Pour les mères, les allocations pour perte de gain (APG) se montent à 80% du revenu avant la naissance et sont plafonnées à 196 francs par jour, tandis qu’elles peuvent atteindre jusqu’à 245 francs pour les soldats (qui reçoivent eux aussi 80% de leur revenu). Soit un écart de 20%. Une discrimination méconnue, mais pas nouvelle, contenue dans la loi sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG).
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Or la fronde s’organise au parlement fédéral, contre cette entorse à l’égalité entre hommes et femmes. La députée socialiste Min Li Marti a déposé mardi au Conseil national une motion réclamant une meilleure couverture des femmes indépendantes durant leurs premiers mois de maternité. La même proposition sera portée au Conseil des Etats jeudi par sa camarade genevoise Liliane Maury Pasquier.
Recours devant le Tribunal zurichois des assurances sociales
Cette proposition s’inspire d’un cas porté devant le Tribunal cantonal zurichois des assurances sociales. Une juriste indépendante souhaitant rester anonyme, représentée par l’avocate Fanny de Weck, a déposé un recours pour violation du principe d’égalité entre hommes et femmes, inscrit à l’article 8 de la Constitution fédérale, comme le racontait mardi le Tages-Anzeiger. La procédure est encore ouverte. «Quelle que soit l’issue, nous considérons déjà comme un succès le fait d’avoir mis le doigt sur ce problème et de voir désormais le pouvoir politique s’en occuper», souligne l’avocate zurichoise.
Ce cas met en lumière la situation des femmes indépendantes après la naissance d’un enfant. Les frais professionnels d’une personne à son compte ne s’arrêtent pas avec le service militaire ou le congé maternité. Mais, tandis que la LAPG prévoit, pour les indépendants au service militaire, une allocation d’exploitation en plus de leur allocation de base, ce n’est pas le cas pour les femmes en congé maternité. «Il n’y a aucune raison de traiter les mères indépendantes différemment des soldats à leur compte, souligne Fanny de Weck. C’est une violation de la Constitution suisse mais aussi des droits fondamentaux garantis par la Cour européenne des droits de l’homme.»
Les écarts entre les montants maximaux s’expliquent aussi par d’autres prestations accessoires, dont les soldats bénéficient durant leur service obligatoire en plus de leur revenu, contrairement aux femmes en congé maternité: les allocations pour enfant et pour frais de garde.
Un vieux compromis
Au moment d’introduire l’assurance maternité, le parlement avait renoncé à ces allocations familiales et d’entreprises, jugeant leur coût trop élevé. L’assurance maternité que l’on connaît était entrée en vigueur le 1er juillet 2005, après une vingtaine de tentatives infructueuses au niveau fédéral. Le compromis semblait acceptable. L’urgence, alors, était de combler une lacune dans le système de sécurité sociale suisse.
Or, vingt ans plus tard, cette situation n’est plus tenable, estime Min Li Marti: «Cette inégalité repose sur une vision dépassée des rôles des hommes et des femmes. On considère encore les hommes comme les principaux pourvoyeurs de fonds du ménage et le revenu des femmes comme accessoire.»
Le Conseil fédéral pointe des dépenses supplémentaires
Fin mai, la députée socialiste bernoise Margret Kiener Nellen avait elle aussi déposé une motion pour réclamer un projet de loi mettant fin à cette «discrimination économique et sociale». Or, dans sa réponse, le Conseil fédéral recommande de rejeter la proposition.
Le gouvernement estime qu’une harmonisation des allocations de la LAPG, en entraînant des dépenses supplémentaires, pourrait «mettre en danger les travaux législatifs en cours en faveur des mères et des familles». Et de citer par exemple un projet de loi permettant à une mère dont le nouveau-né doit rester plus de trois semaines à l’hôpital après sa naissance de bénéficier d’une prolongation de l’allocation de maternité. Ou encore de l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches. Le débat est loin d’être clos: le parlement n’a pas encore empoigné le sujet.
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