ÉDITORIAL. La Commission judiciaire de l’Assemblée fédérale préfère reporter à septembre l’élection du procureur général de la Confédération. Une sage décision

Il y a huit ans, la Commission judiciaire de l’Assemblée fédérale avait plébiscité la candidature de Michael Lauber au poste de procureur général de la Confédération en louant sa capacité à communiquer, sa «grande finesse psychologique», son intégrité ou encore ses contacts au niveau international. Aujourd’hui – après une première réélection sans grosse difficulté –, l’ambiance a radicalement changé. Certaines des qualités d’alors sont désormais perçues comme des défauts (trop médiatique, charmeur et imprudent dans ses relations) et sa probité est remise en doute (la rencontre oubliée avec le patron de la FIFA). Placée devant le choix cornélien de devoir émettre un préavis sur le prochain troisième mandat d’un procureur général qui vient d’être placé sous enquête disciplinaire, ladite commission a préféré attendre d’y voir plus clair dans ce chaos en repoussant les opérations à septembre. On ne saurait l’en blâmer.
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La malédiction du poste
Ce qui frappe déjà dans cette affaire, c’est à quel point le destin d’un patron de parquet fédéral tient à peu de chose. Ses prédécesseurs en ont fait l’amère expérience. Valentin Roschacher, certes longtemps chahuté, a finalement démissionné à cause d’une obscure histoire d’informateur colombien pour laquelle il sera finalement blanchi. Quant à Erwin Beyeler, malgré une recommandation favorable de la commission, il n’a pas convaincu une majorité du parlement qu’il avait les épaules assez larges pour poursuivre sa tâche et diriger un Ministère public de la Confédération (MPC) aux compétences déjà élargies et au rôle encore renforcé par la nouvelle procédure pénale.
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Extrême politisation
Michael Lauber, préservé jusqu’ici par une plus saine séparation des pouvoirs – il est le premier à échapper à la nomination par le Conseil fédéral et à la tutelle du chef du Département fédéral de justice et police –, se voit tout de même rattrapé par l’extrême politisation de ses ennuis disciplinaires. Cette montée de fièvre est due en grande partie au fait que les reproches arrivent au moment critique de sa réélection. Si cette conjonction donne à toute l’affaire une ampleur sans doute excessive, le patron du MPC a ajouté aux tensions en critiquant son Autorité de surveillance, devenue plus ferme, et en évoquant lui-même une «crise institutionnelle». De cette ambiance délétère, il ne peut sortir indemne. Sursis ou pas sursis.