SUISSE ROMANDE
En ne passant que quatre ans au gouvernement, les anciens conseillers d'Etat genevois n'ont droit à aucune rente: c'est le cas de l'ex-magistrate libérale. Les retraités des autres cantons romands sont beaucoup mieux lotis.
Après sa défaite cinglante lors des dernières élections cantonales, en novembre 2005, la libérale Micheline Spoerri a commencé par renouer avec ses amis quelque peu délaissés pendant quatre ans. Elle a aussi tenu à écrire un livre justifiant ses options de sécurité en marge du sommet du G8*. Désormais, elle doit sérieusement songer à son avenir professionnel: «Je n'ai pas de fortune personnelle. Je dois absolument travailler jusqu'à l'âge de la retraite.»
Micheline Spoerri cherche un emploi ou des mandats dans les trois domaines d'activité qu'elle connaît le mieux: le biomédical, la création d'entreprise et, grâce à son passage à la tête du Département de justice et police, la sécurité. Mais elle sait que ce ne sera pas facile: «Les employeurs ne courent pas après des personnes de 60 ans. Je me bats contre ce préjugé et je mets en avant mon expérience.» Sans résultat pour le moment.
Le risque de la vocation
Micheline Spoerri avait conscience des risques qu'elle prenait en cas de non-réélection précoce, qui ne donne droit à aucune rente. Cela ne l'a pas empêchée de renoncer à ses activités privées dans le domaine biomédical, dont les responsabilités sont maintenant exercées par d'autres personnes. «Cela dit, je ne suis pas amère. Mon activité politique a été exaltante, ce qui ne m'empêche pas d'être tournée vers l'avenir. Je constate que les gens que je connais ne se détournent pas de moi, sauf quelques personnes au Parti libéral, qui n'a plus de libéral que le nom.»
Le chancelier Robert Hensler constate que, de manière générale, les rentes des conseillers d'Etat sont parmi les plus basses de Suisse: 64% du dernier traitement annuel (actuellement 239723 francs) après douze ans de fonction et 44% après huit ans. Mais Genève se signale surtout par l'absence de rente après quatre ans. Les ex-conseillers d'Etat n'ont donc droit dans ce cas qu'à une année de salaire à titre de rattrapage du deuxième pilier. Le PDC Philippe Joye avait déjà connu pareille mésaventure.
Ce risque peut décourager des candidats potentiels de lâcher leur profession ou leurs affaires, souvent sans espoir de retour, afin de s'engager dans une course électorale. «Il est vrai que Genève est très pingre avec son année d'indemnités, quand on pense au risque de quitter son métier. Cela dit, il faut être très prudent. Les électeurs pensent déjà que les anciens conseillers d'Etat sont trop bien lotis», explique Olivier Jornot, président ad interim des libéraux genevois. Président des Verts, Antonio Hodgers relève pour sa part que le régime genevois «laisse très peu de temps pour reprendre pied dans la vie professionnelle».
La libéralité vaudoise
A quelques encablures de la République genevoise, chez le voisin lémanique, les anciens magistrats vaudois ne sont pas du tout logés à la même enseigne.
Le Pays de Vaud est un des cantons les moins restrictifs en ce qui concerne les exigences pour accorder une rente (voir tableau). En effet, une seule législature, en cas de non-réélection, suffit pour obtenir le précieux sésame.
En mars 2002, la conseillère d'Etat socialiste Francine Jeanprêtre, alors âgée de 55 ans, renonçait au maintien de sa candidature pour le second tour des élections cantonales.
L'été dernier, en plein débat romand sur les rentes, 24 heures se penchait sur la destinée des retraités du gouvernement vaudois. La socialiste avouait alors «savourer le grand privilège d'avoir du temps et être contente de mettre un terme à sa carrière politique.» Son passage au gouvernement lui avait assuré de toucher une rente annuelle d'un peu moins de 50% de son salaire de ministre vaudoise.
Déclinant les offres des conseils d'administration, elle n'exerce donc plus ni mandat politique ni activité professionnelle rémunérés. Bénévolat et voyages agrémentent désormais son temps libre. Aujourd'hui encore, l'Etat de Vaud continue de lui verser cette rente. A quelques kilomètres de distance, les retraites peuvent être plus ou moins douces.
«Un G8 pas comme les autres», Genève, Slatkine, 2003.