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La ministre genevoise Micheline Spoerri s'affirme en empoignant le dossier des OPF

La nouvelle patronne du Département de justice, police et sécurité promet une information régulière sur l'assainissement des Offices des poursuites et faillites. Parallèlement, un compromis est trouvé sur la future structure des offices

La dissolution de la délégation du Conseil d'Etat genevois chargée des Offices des poursuites et faillites (OPF) «à son initiative» était déjà un signe. Après un mois et demi à la tête du Département de justice, police et sécurité (DJPS), la conseillère d'Etat Micheline Spoerri prend les devants pour faire le ménage dans les OPF. Et joue la transparence en promettant de communiquer régulièrement aux médias l'état des travaux «d'assainissement». En déclarant que les «dysfonctionnements [des OPF] n'ont rien d'un gag», la magistrate libérale fait une allusion qui ne trompe personne. Sa manière de gérer le dossier tranche singulièrement avec celle de son prédécesseur, Gérard Ramseyer, qui avait torpillé ses chances d'être réélu au gouvernement en optant pour une politique du «laisser-faire».

«La plaie est toujours ouverte et est loin d'être refermée.» L'état des lieux effectué par Micheline Spoerri ne laisse toutefois pas planer de doute. Le travail de reconstruction sera colossal. Afin d'avoir accès aux dossiers, la patronne du DJPS a précisé que le 16 janvier dernier, l'Etat s'est porté partie civile dans le cadre du détournement de 3,5 millions dans l'un des offices. Par ailleurs, la justice pénale a inculpé à ce jour cinq personnes, dont l'auteur du détournement et le préposé d'un des trois offices. Quant à l'Autorité de surveillance des Offices des poursuites, elle a pris 18 décisions. Les sanctions vont de destitutions et suspensions à de simples amendes. Sur le plan administratif, 25 procédures ont été ouvertes et abouti à 19 suspensions. Aujourd'hui, 15 personnes ont été réhabilitées.

Sur le plan des effectifs, Micheline Spoerri tire la sonnette d'alarme. Alors que le directeur ad intérim des Offices des poursuites, Claude Auer, estime à 52 le nombre de postes supplémentaires nécessaires à leur bon fonctionnement, le Grand Conseil n'en a prévu que 43 dans son budget 2002. Le manque de personnel est encore aggravé par les destitutions et suspensions. «Il nous manque 22 postes. Je vais donc certainement m'adresser au parlement avant la fin de l'année pour corriger le tir. C'est d'autant plus important que l'une des causes essentielles de la crise des OPF, ce sont les sous-effectifs», insiste la conseillère d'Etat.

Autre cause de la gabegie au sein des Offices des poursuites et faillites: l'informatique. Là aussi, l'objectif est de développer un nouveau logiciel dans les quatre ans. Mais pour l'heure, les OPF doivent toujours travailler avec une application Hypsis peu probante, qui sera malgré tout «fiabilisée» tant que faire se peut. Mais le temps presse. L'Office d'Arve-Lac, par exemple, a 800 dossiers de faillites en rade qui viennent d'être confiés à des fiduciaires externes. Dans le même office, 3000 notifications de poursuites sont en souffrance.

Nouvelle organisation des OPF contestée

L'optimisme instillé par les mesures gouvernementales est renforcé par le compromis que vient de trouver la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil (qui enregistre le retrait momentané du député PDC Philippe Glatz «pour la sérénité des débats à venir» en raison de sa mise en cause dans le dossier du New Morning traité par les OPF). Après plusieurs semaines de dispute, les partis, hormis l'Alliance de gauche (AdG), ont réussi à s'entendre sur un nouveau texte législatif qui remplacerait la loi votée en septembre 2001 et que l'Entente bourgeoise, à nouveau majoritaire, a contestée en déposant son propre projet législatif.

En substance, les commissaires ont choisi d'instituer une commission de surveillance des OPF de nature non pas «administrative», comme le souhaitait l'AdG, mais judiciaire. Censée entrer en vigueur le 1er juin prochain si elle est acceptée par le parlement, la nouvelle mouture sera soumise aux députés en urgence le 24 février. Elle prévoit la nomination de deux juges et de deux juges suppléants et de huit assesseurs et de quatre suppléants. Les OPF seront divisés en deux offices: l'un pour les faillites, l'autre pour les poursuites. Les responsables de ces deux entités seront chapeautés par un directeur. Une structure qui ne plaît pas aux libéraux, mais ceux-ci n'en feront pas un «casus belli».

Reste que l'AdG menace de lancer un référendum contre la nouvelle loi si elle passe. «Il faut briser la mainmise de la droite sur l'autorité de surveillance des OPF», s'insurge le député Christian Grobet qui prône la présence de tous les partis au sein de l'Autorité de surveillance. «C'est un mauvais combat», rétorque Mark Muller qui pense qu'une telle démarche ne ferait que pourrir davantage le climat. Et le libéral de conclure: «Une votation populaire sur ce sujet, c'est justement ce qu'il ne faut pas faire. On connaît les grands déballages qu'occasionne ce type de scrutin.»