Le MOB s’offre une première mondiale

«C’est une première mondiale!» Ce cri du cœur traduit la fierté de Georges Oberson, le directeur du Montreux-Oberland bernois (MOB). Personne n’aurait imaginé que cette petite compagnie régionale inscrirait un jour son nom au tableau des grandes découvertes technologiques. C’est pourtant le cas. Avec son partenaire Alstom, le MOB a développé un système inédit qui permettra de circuler sur l’ensemble du réseau sans changer de train lorsque l’écartement de la voie s’élargit ou se resserre, et cela dès le 11 décembre, date du prochain changement d’horaire.

Il existe deux types de largeur de rails. La voie normale, calibrée à 1,435 mètre, et la voie étroite, qui mesure 1 mètre. Ce dernier système est surtout utilisé dans la chaîne jurassienne, les Préalpes et les Alpes. Le réseau national affiche une longueur totale de 5317 kilomètres, dont plus de 1400 à voie métrique.

Un troisième rail? Trop cher et trop compliqué

Le problème du MOB et de son label touristique GoldenPass est qu’il faut changer de véhicule en gare de Zweisimmen. De Montreux jusqu’à cette gare bernoise située à 950 mètres d’altitude, les trains circulent sur une infrastructure métrique. De Zweisimmen à Interlaken, on passe sur le réseau de la compagnie BLS, dont la largeur est normale (1,435 mètre).

Le MOB cherche depuis des années une solution permettant de surmonter cet obstacle. Une possibilité serait d’ajouter un troisième rail. On en parlait déjà dans les années 1930. Mais c’est cher et compliqué, résume Jérôme Gachet, porte-parole du MOB. Une autre idée a refait surface à partir de 2008: adapter la largeur des chariots à celle des rails sur lesquels ils roulent.

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Un système d’espacement variable des roues existe déjà dans certains pays. Mais celui du MOB et d’Alstom combine une amplitude de 435 millimètres avec un variateur vertical. La hauteur des quais n’étant pas la même sur le réseau métrique (35 cm) et sur le réseau normal (55 cm), les deux partenaires ont ainsi mis au point une technologie qui permet de moduler à la fois la largeur des roues et la hauteur des caisses.

Alstom a construit 58 bogies variables, qui sont assemblés sur le site de Villeneuve. Le MOB en a profité pour renouveler sa flotte. La compagnie a commandé 23 voitures à Stadler. Les wagons de première classe comprennent une section Prestige, dont les 18 sièges peuvent pivoter à 360 degrés, avec service de restauration à la place, comme en première classe.

«L’express le plus lent du monde»

Si les voitures sont dotées de bogies flexibles, tel n’est pas le cas des locomotives. Il faudra toujours changer de motrice à Zweisimmen, précise Uwe Heinrich, ingénieur chez Alstom. Pendant cette opération, les voyageurs pourront voir le changement d’écartement des bogies sur des écrans installés à bord.

C’est ainsi qu’est né le GoldenPass Express, une offre qui sera mise en service en décembre prochain. Comme le convoi circule sur un tracé sinueux, sa vitesse ne dépassera pas 35 km/h en certains endroits, ce qui est en fait «l’express le plus lent du monde», rigole Georges Oberson. Il reliera les 115 kilomètres séparant Montreux d’Interlaken en trois heures quinze. Le MOB a investi 89 millions dans cette aventure touristique.

L’homologation de ce système complexe et innovant est également un défi pour l’Office fédéral des transports (OFT), puisqu’il s’agit d’une première mondiale. De nombreux tests ont été effectués depuis l’an dernier, y compris dans des conditions de neige. La première course d’essai intégrale entre les deux villes touristiques a eu lieu mercredi, en présence de spécialistes. Le Temps a pu y participer.

Le retour de la clientèle étrangère

L’OFT devrait donner son feu vert peu avant la mise en service du 11 décembre. Grâce au partenariat avec Alstom, cette technologie est brevetée sur le plan mondial. Ses promoteurs espèrent la vendre à d’autres pays confrontés au même problème d’espacement variable. Georges Oberson pense aux pays de l’Est, à l’Espagne, à l’Asie ou à l’Afrique.

L’offre GoldenPass Express vise principalement la clientèle internationale friande d’expériences ferroviaires bucoliques dans les Alpes suisses. En 2019, le MOB a accueilli 5 millions de voyageurs. Georges Oberson espère que la nouvelle offre en attirera 1,5 million de plus. Mais le succès dépendra du retour de ces clients étrangers, qui, en raison de la pandémie, de la diminution des voyages en avion, de l’impossibilité de survoler la Russie pour venir d’Asie en Europe et des incertitudes liées à la crise énergétique, se sont faits plus rares depuis 2020. Face à ces incertitudes, le patron du MOB compte aussi sur la clientèle indigène.

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