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Montreux, ville en quête d’une majorité

Si elle a fait parler d’elle avec l’affaire Doriot, la cité de la Riviera connaît un coude-à-coude permanent entre droite et gauche. Chacun voudrait prendre le pouvoir

Une majorité qui soit enfin claire et nette. C’est ce que tout le monde veut à Montreux, à un mois des élections communales de mars prochain. Au coude-à-coude depuis des dizaines d’années dans la ville des bords du lac Léman – célèbre pour son festival de jazz et ses palmiers –, droite et gauche sont à égalité au Conseil communal (législatif). Seuls les six centristes de Montreux Libre qui votent tantôt à gauche, tantôt à droite peuvent les départager. Résultat: les dossiers n’avancent pas aussi vite qu’espéré, clament en chœur les élus dans cette cité de 25 000 habitants, à cheval entre lac et montagne.

La gauche a obtenu quatre des sept sièges de la Municipalité en l’an 2000, mais elle a perdu sa majorité en décembre dernier lorsque le libéral-radical Pierre Rochat a remplacé l’ancien socialiste Jean-Claude Doriot. Celui-ci avait démissionné après avoir été condamné par la justice pour acceptation d’un avantage, une forme de corruption. Il prépare actuellement sa contre-attaque juridique. L’affaire avait amené le Conseil d’Etat à demander à la population de voter pour savoir si le magistrat devait rester en place. Mais le gouvernement vaudois s’était fait rappeler à l’ordre par la Cour constitutionnelle.

Pour repartir après cette affaire qui a connu son épilogue politique avec l’élection complémentaire en décembre dernier, onze candidats sont en course pour la Municipalité aujourd’hui: trois socialistes – dont un sortant – et un Vert sur une liste commune, quatre libéraux-radicaux (tous déjà municipaux), une UDC et deux centristes de Montreux Libre.

«La formule actuelle à Montreux est difficile à gérer», souligne le socialiste Alain Feissli, municipal depuis 1998 et candidat à sa propre succession. «Sans majorité claire, cela nous a amenés à pratiquer une politique de centre gauche plutôt centriste, au lieu d’une politique de centre gauche plutôt de gauche.»

Au centre, avec son rôle d’arbitre, Montreux Libre se verrait bien «jouer ce même rôle à la Municipalité», estime Emmanuel Gétaz, candidat à l’exécutif. Une entrée possible, le mouvement étant quasiment à égalité avec les Verts en nombre d’électeurs. Avant Montreux Libre, c’était justement ces mêmes Verts qui jouaient les contestataires à Montreux.

Pour retrouver sa majorité perdue en décembre, la gauche compte trois candidats nouveaux pour la municipalité. «Cela montre une énergie nouvelle pour relancer la machine rose-vert», estime le Vert Caleb Walther. L’affaire Doriot, qui a porté ombrage au Parti socialiste, est oubliée. «Pour moi, elle s’est soldée par l’élection de décembre», estime Jacqueline Pellet, présidente du PS et candidate à la Municipalité. «Maintenant chacun repart avec toutes les cartes sur la table.»

«L’affaire Doriot a toutefois mis au jour un manque de vision, de tableaux de bord et de plans pluriannuels de la majorité de gauche à la municipalité», estime pour sa part Laurent Wehrli, municipal libéral-radical candidat à sa propre succession. Il est également député au Grand Conseil. Beaucoup parlent de lui comme étant le possible prochain syndic à la place du socialiste Pierre Salvi qui se retire après 15 ans passés à la tête de l’exécutif.

Mais la droite part divisée, sans alliance avec l’UDC. Une situation qui n’inquiète pas Pierre Rochat. L’UDC présente donc Catherine Buchet Bulliard. «Je suis contente de jouer l’outsider», souligne celle qui était encore membre du législatif de la ville de Genève jusqu’en 2010. Mais pour l’instant l’UDC n’a jamais joué de grand rôle à Montreux. «Mon but est aussi qu’on arrête de nous considérer comme quantité négligeable dans les ­villes.»

L’égalité entre gauche et droite est telle que – paradoxe bien montreusien – tous les partis se présentent cette année avec un programme proche: davantage de logements et d’investissements, une meilleure qualité de vie, un urbanisme plus réfléchi, une mobilité douce mieux développée, une cyberadministration digne de ce nom. L’un des dossiers communs est l’avenir de la scierie Held, rachetée par la ville à la Banque Cantonale Vaudoise. On y trouve la salle de spectacles NED, le skate-park de la ville et le Centre social protestant. Droite et gauche voudraient y garder les activités en place, y ajouter un peu de sport, un soupçon d’administration communale et des logements.

Seuls les détails font la différence, comme la «rigueur budgétaire» prônée par le Parti libéral-radical (PLR) malgré l’épongement total de la dette qui avoisinait les 100 millions de francs en l’an 2000, ou une recherche «plus systématique» d’acquisition de terrains pour y faire du logement selon les vœux de la gauche.