La mort du banquier Edouard Stern, une histoire de cœur ou d'argent?
GENEVE
Pour l'avocat de la famille du banquier, c'est bien l'appât du gain qui a poussé Cécile B. au crime. Une thèse qu'écarte la défense.
La famille du banquier Edouard Stern a estimé que le temps était venu de faire entendre une autre voix. Et pas n'importe laquelle. Me Marc Bonnant représente désormais les intérêts des trois enfants du financier abattu par sa maîtresse le 28 février dernier à Genève. A la thèse de la femme humiliée et poussée à bout, la partie civile oppose celle beaucoup moins noble de l'avidité. Premiers échanges du combat à venir.
«Ce n'est pas une histoire de cœur mais d'argent», relève l'avocat de ceux qui sont aujourd'hui orphelins de père. Deux sont majeurs. Le troisième est encore mineur et sera représenté dans cette procédure par sa mère, Béatrice, la fille du président de la banque Lazard, Michel David Weill, et ex-épouse d'Edouard Stern. Jusqu'ici, les proches de la victime avaient fait le choix de la discrétion. Mais le portrait très sombre dressé par les médias de cet homme d'affaires hanté par de multiples démons, les a convaincus de sortir de leur réserve.
Selon Me Bonnant, le million de dollars que voulait s'approprier Cécile B. et qu'Edouard Stern avait fait bloquer constitue le mobile le plus évident de ce crime. Et de souligner que même après avoir tué le banquier, elle n'a pas hésité à faire opposition au séquestre de son compte. Le courrier de son avocat vaudois, Pierre-Olivier Wellauer, date en effet du 11 mars. Soit quatre jours avant l'arrestation de Cécile B. Mais onze jours après les faits. «Cela ne ressemble pas tout à fait aux préoccupations d'un être désespéré et anéanti par son acte», ajoute Me Bonnant.
«Abracadabrant», rétorque Me Bruno de Preux, qui assure la défense de Cécile B. aux côtés de Me Pascal Maurer. Certes, il y avait bien un litige autour de cet argent. La Française affirme que le financier lui avait fait don de ce million tout en lui promettant mariage et indépendance financière. Ce n'est que peu avant les faits qu'Edouard Stern a demandé le blocage des fonds en invoquant le non-respect d'un accord portant sur l'achat de huit tableaux de Chagall. «Ce séquestre bâti sur des arguments mensongers fait partie du contexte pénal. Ce qui intéresse aujourd'hui ma cliente, c'est la vérité. L'argent, elle s'en moque complètement. D'ailleurs elle a retiré son opposition après son arrestation et n'a plus aucune initiative à prendre dans ce volet», ajoute Me de Preux.
Le compte bloqué se trouvant à Montreux, ce litige civil est pendant dans le canton de Vaud. Aujourd'hui, ce sont les héritiers d'Edouard Stern qui doivent décider s'ils entendent maintenir ou non cette demande de séquestre en engageant une procédure en validation. L'argent faisant également l'objet d'une saisie du juge d'instruction genevois, cette action pourrait bien être suspendue dans l'attente de l'issue du procès pénal.
«Pure fantasmagorie»
Un procès encore bien lointain où la jeune femme risque une peine maximum de 10 ans de réclusion si le jury retient le meurtre par passion, et bien davantage si le verdict penche pour le meurtre ordinaire ou l'assassinat. Dans le premier cas de figure, il faut qu'elle ait agi en proie à un désespoir profond ou sous le coup d'une émotion violente, état que les circonstances doivent encore rendre excusables. En attendant les futures passes d'armes sur les diverses frustrations qui caractérisaient cette relation de couple peu ordinaire, défense et partie civile sont déjà unanimes sur un point. Il n'y a pas d'autres pistes à ce drame. «Tout ceci me paraît pour l'instant pure fantasmagorie», conclut Me Bonnant.