La mort d’Andrew Wang, l’homme clé de l’affaire, ne met pas fin aux procédures en Suisse
FRégates de Taïwan
Il était au cœur du scandale lié à la vente de six frégates françaises à la marine de Taïwan en 1991. Andrew Wang est mort à Londres à l’âge de 87 ans. Il était malade depuis de longues années. Ses avoirs, de l’ordre de 800 millions, restent bloqués en Suisse

Un mort, six frégates et 800 millions bloqués
Corruption Andrew Wang, l’homme de l’affaire des frégates de Taïwan, est décédé à Londres
Ses fonds, comprenant les faramineuses commissions versées par la France, sont toujours gelés en Suisse
Andrew Wang, l’homme clé de l’affaire des frégates françaises vendues à Taïwan, est mort. C’est ce qu’ont indiqué au Tribunal fédéral, dans une lettre du 30 janvier, deux de ses avocats en Suisse, où ses avoirs sont bloqués depuis treize ans pour des montants de près de 800 millions de francs.
Dans sa réponse du 3 février rendue publique jeudi, le Tribunal fédéral prend acte de ce décès et suspend en conséquence la procédure de recours en matière civile actuellement pendante devant les juges de Mon-Repos.
Andrew ou Chuan Pu Wang – familièrement surnommé Shampoo – vivait à Londres. Il était âgé de 87 ans et était malade depuis longtemps. Les multiples procédures en cours, toutes plus complexes les unes que les autres, qui ont pour objet de fixer le destin des fonds séquestrés en Suisse devraient se poursuivre malgré la mort de leur détenteur.
En attendant, les fonds resteront bloqués. Les avoirs d’Andrew Wang ou de sociétés qui lui étaient liées sont gelés depuis le dépôt par Taïwan, en 2002, d’une demande d’entraide judiciaire.
Andrew Wang avait perçu des commissions occultes atteignant des montants astronomiques versées par la partie française pour le rôle d’intermédiaire qu’il avait joué dans la vente à Taïwan, en 1991, de six frégates. Ces navires d’observation et de surveillance étaient construits par un consortium réuni autour du groupe français Thomson, devenu aujourd’hui Thales.
Le prix de vente de ces bateaux de guerre avait été fixé à 2,5 milliards de dollars. Le contrat conclu avec Taïwan excluait l’intervention et la rémunération d’intermédiaires.
Lorsqu’elles ont été découvertes, ces commissions ont provoqué un scandale à Taïwan. Depuis, elles sont au cœur de nombreuses procédures, tant à Taïwan qu’en Suisse, mais aussi en France, où le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke a longtemps soupçonné, sans parvenir à l’établir, que les sommes versées étaient en partie au moins revenues en France pour finir dans la poche d’hommes politiques.
Si Berne a accordé son entraide à Taïwan et fourni d’importantes informations sur les comptes en Suisse d’Andrew Wang, l’Office fédéral de la justice n’a pas encore statué définitivement sur la remise, en faveur des autorités de Taipei, des fonds qui restent bloqués en Suisse.
Dans l’intervalle, en 2010, un tribunal arbitral international a condamné Thales à payer à Taïwan la somme de 773,7 millions de dollars à titre d’indemnités pour les commissions occultes versées en violation du contrat de vente. La sentence de ce tribunal est détaillée dans un jugement du Tribunal fédéral rendu le 16 juillet 2014 (5A_980/2013).
Le tribunal arbitral a retenu qu’Andrew Wang était bien intervenu auprès des autorités taïwanaises pour faciliter l’acquisition des frégates françaises, et qu’il avait été rémunéré pour cela par les Français. Il apparaît par ailleurs que Thales a versé 17,5 millions de dollars, par l’intermédiaire de Wang, à un officier de la marine taïwanaise chargé de l’acquisition des navires, condamné par la suite pour corruption.
A la suite de cette sentence arbitrale, Thales a attaqué Andrew Wang devant les tribunaux civils genevois, où est bloqué l’essentiel des fonds, pour tenter de récupérer l’équivalent de ce que le groupe français avait été condamné à payer aux Taïwanais. Andrew Wang ayant une épouse et des enfants qui devraient être en mesure de reprendre le procès à leur compte, ce litige, selon toute probabilité, va se poursuivre.
Quant à la remise des fonds à Taïwan, la question est plus complexe. Sur les 800 millions de francs, 340 ont été identifiés comme provenant des commissions liées à la vente des frégates. L’an dernier, la Cour suprême de Taïwan a prononcé leur confiscation définitive. C’est sur la base de ce jugement que Berne doit décider si les fonds peuvent être remis. Le décès d’Andrew Wang ne devrait pas avoir d’influence sur la décision suisse.
Pour le reste des fonds, qui pourraient provenir d’autres commissions versées cette fois dans le cadre de l’acquisition d’avions Mirage par Taïwan, le décès du principal protagoniste risque d’avoir davantage de conséquences, la justice de Taïwan n’ayant pas encore pu rendre de décision sur ce volet du dossier.
Dans tous les cas de figure, les héritiers d’Andrew Wang disposent d’un argument qu’ils ne se priveront pas de faire valoir. Taïwan, en effet, a déjà été dédommagé par Thales. Si les fonds bloqués en Suisse devaient leur être rendus, les autorités de Taipei pourraient paraître avoir été payées deux fois.
Lorsqu’elles ont été découvertes, les commissions ont provoqué un scandale à Taïwan