Le mouvement Extinction Rebellion bloque le pont Bessières, à Lausanne
Climat
Réunis au centre de Lausanne depuis midi, des activistes de la désobéissance civile se disent prêts à rester sur place «jusqu’à ce que le Conseil fédéral communique sur l’urgence climatique»

Le blocage était annoncé, la date et l’heure fixées, mais le lieu encore inconnu. C’est finalement le pont Bessières, au centre de Lausanne, qui a été choisi comme terrain d’occupation par les manifestants du groupe Extinction Rebellion (ou XR). Ce mouvement social international né au Royaume-Uni prône la désobéissance civile et la résistance passive. Son message: face à l’urgence climatique, le temps n’est plus celui de la réflexion mais de l’action.
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«Nous allons bloquer le pont jusqu’à ce que le Conseil fédéral communique par voie officielle ou voie de presse sur la gravité de la situation écologique, déclare celui qui se fait appeler Stéphane, porte-parole du mouvement lausannois. Nous sommes déterminés et prêts à rester sur place plusieurs jours s’il le faut comme cela a été fait à Londres!» En avril dernier, quatre lieux stratégiques de la capitale britannique avaient été bloqués sans interruption pendant une semaine.
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«Les actions s’intensifient crescendo, prévient Valérie D’Acremont, professeure en médecine tropicale à l’Université de Lausanne devenue porte-parole de XR. Le 27 septembre, nous bloquerons trois lieux simultanément. Et le 7 octobre, des actions seront menées à Londres, Paris, Berlin, Amsterdam et New York, où se tient le Sommet des Nations unies sur le climat.»
Occupation pas autorisée, mais annoncée
Un passage à l’acte encouragé par les propos tenus par Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, lors de son interview accordée à Covering Climate Now (un groupement de 250 médias internationaux): «Je voudrais voir toutes la société accroître la pression sur les gouvernements pour qu’ils comprennent qu’ils doivent aller plus vite.»
Alors qu’un millier de militants manifestent au même moment pour le climat dans les rues de Bâle, les «rebels», surnom donné aux militants, sont une centaine à avoir répondu à l’appel ce vendredi à Lausanne. Accroupis sur la route, aux deux extrémités du pont, ils chantent et scandent des slogans comme «Pour le vivant, résistez!». Les forces de l’ordre étaient déjà sur place et le trafic routier a été rapidement dévié. «Cette occupation n’est pas autorisée, mais a été annoncée», précise Stéphane.
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Extinction Rebellion a organisé une manifestation qui se veut festive. Au programme: des conférences, des débats et des concerts. Comme sur le Titanic, relève Stéphane: «Allons-nous continuer d’écouter l’orchestre ou allons-nous enfin réagir?» questionne-t-il.
Jean-François, 49 ans, professeur et ingénieur en électronique, s’est lui engagé au printemps après avoir discuté avec son fils, étudiant et membre d’Extinction Rebellion à Berlin: «Le Conseil fédéral a déjà fait le constat de l’ampleur du défi à relever. Tout est écrit dans le rapport sur l’environnement 2018. Maintenant c’est au parlement de se saisir de la question pour agir concrètement. Les élections fédérales tombent à point nommé.»
Dessiner des espèces disparues
Au milieu du pont: une terre brûlée en papier mâché, des photos et des jeunes qui dessinent sur le sol à la craie. «C’est une sorte d’autel commémoratif, nous explique-t-on. Chacun peut dessiner un animal, une plante ou un lieu qui a disparu ou qui est en voie d’extinction, comme le dragon du Komodo, le glacier du Pizol, la Grande Barrière de corail ou le dauphin de Chine.» Les revendications sont sur toutes les lèvres: le gouvernement «doit dire la vérité et prendre des mesures» pour le climat, «réduire les gaz à effets de serre d’ici à 2025» et «des assemblées citoyennes doivent être créées» pour trouver des solutions.
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Sur place, des personnes portent des brassards de couleur: jaunes pour les porte-parole, blancs pour les gardiens de la paix – les personnes chargées de calmer le jeu s’il y a un débordement – et gris pour les observateurs, des avocats bénévoles. Parmi ces derniers, Me Irène Wettstein, connue pour avoir défendu devant la justice les grévistes du climat qui avaient organisé une partie de tennis fictive dans une agence de Credit Suisse. «Nous veillons à ce que le processus policier et judiciaire soit correct.»
Concert de piano électrique
Les forces de l’ordre avaient donné jusqu’à 12h30 pour cesser le blocage et déplacer la remorque et la scène en cours de construction. A 12h50, une dizaine de policiers procèdent au contrôle d’identité de plusieurs «rebels», mais les conférences annoncées au programme se déroulent comme convenu. Vingt minutes plus tard, les agents condamnent avec de la «rubalise» une extrémité du pont pour rassembler les militants de l’autre côté. Les policiers se tiennent alignés face aux manifestants, toujours accroupis et refusant de se déplacer. Pas de tensions dans les regards, plutôt des sourires sur le visage des policiers. Pour ne pas être soulevés facilement, les occupants adoptent la position de la tortue, formant ainsi un groupe de corps liés entre eux. Jusqu’à quatre policiers sont nécessaires pour déplacer un militant.
Vers 14 heures, les forces de l’ordre réussissent à circuler sur le pont Bessières et tentent de récupérer deux remorques: l’une contenant des toilettes sèches et l’autre une barque marquée par l’inscription «agissez maintenant». Pour les en empêcher, des activistes se glissent sous cette dernière, sous l’œil attentif d’Irène Wettstein. Une vaine tentative. Les remorques sont saisies alors qu’une banderole verte, couleur d’Extinction Rebellion, est déployée du haut de la cathédrale et le concert de piano électrique démarre.
Ailleurs en Suisse et dans le monde
D'autres manifestations pour le climat se sont tenues vendredi en Suisse. Plus d'un millier de personnes se sont rassemblées à Bâle. «Il faut mettre fin au capitalisme, car il n'y aura jamais de capitalisme vert», a plaidé une oratrice. A Saint-Gall, environ 500 écoliers et écolières sont descendus dans la rue. Des adultes se sont joints au cortège des manifestants.
A travers le monde, des centaines de milliers de jeunes se sont également rassemblés. Il pourrait s'agir de la plus grande mobilisation jamais organisée pour appeler les adultes à agir contre la catastrophe climatique. Les manifestations de ces jours doivent culminer à New York, où se tiendra lundi un sommet international sur le climat. Près de 5000 événements sont prévus sur toute la planète.
Article modifié le 25 octobre 2019 suite à une erreur: il ne s'agissait pas d'un piano à queue, mais d'un piano électrique. Merci à un lecteur attentif de nous l'avoir signalé