Ce mardi, le parlement a enfin tranché. Après des années de débat sur l’initiative pour des multinationales responsables, qui souhaite conférer aux victimes de filiales d’entreprises domiciliées en Suisse le pouvoir d’obtenir des réparations sur sol helvétique, les Chambres fédérales se sont mises d’accord pour soutenir le contre-projet défendu par le Conseil des Etats et le Conseil fédéral: l’obligation pour les multinationales de rendre un rapport annuel sur leur politique dans le domaine des droits de l’homme – si toutefois elles disposent d’une telle politique – et celle d’un devoir de «diligence» en matière de travail d’enfants et de «minerais de la guerre». La proposition ne satisfait aucunement les initiants, qui affûtent désormais leurs armes en attendant la votation, qui pourrait intervenir dès novembre. Trois questions à leur porte-parole, Chantal Peyer.

Le Temps: Des années de débat s’achèvent sur un contre-projet qui ne vous satisfait pas. Votre réaction?

Chantal Peyer: Pour nous, le constat est clair. Les parlementaires n’ont pas pris la mesure des changements de société en cours et les entreprises pourront continuer de violer impunément les droits humains. La position des grands lobbys économiques a triomphé, sans remise en question. Le contre-projet sur la table, qui ne formule qu’une obligation de rapporter sur ses activités, a déjà été adopté il y a cinq ans par Bruxelles. Or, l’UE a récemment fait le constat que ces directives, si elles apportent un peu plus de transparence, ne se traduisent pas par des améliorations crédibles sur le terrain.

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Le peuple fera-t-il la différence?

Ce sera à nous de l’expliquer. Mais la position adoptée par le parlement aujourd’hui est insuffisante. En juin, Glencore a publié son rapport de durabilité 2019. Celui-ci indique que l’entreprise n’a connu aucun incident majeur durant cette année. Or, il y a eu deux accidents graves au Congo l’année dernière. Lors d’un premier incident, un camion de livraison d’acide s’est renversé sur plusieurs personnes, qui ont été brûlées vives. Quelques mois plus tard, 30 creuseurs artisanaux sont morts dans l’éboulement d’une mine. Le rapport de l’entreprise n’en fait pas état, ce qui prouve qu’il ne sert à rien. Or, ce genre de document est tout ce que demande le contre-projet. Cela ne suffit pas.

La crise économique met-elle en péril votre initiative?

Penser que la crise va engendrer la peur et que la population votera automatiquement pour le statu quo est faux. Il y a énormément de gens qui se posent des questions sur la manière de faire du commerce à l’heure actuelle, y compris dans les rangs d’entrepreneurs du centre et de droite. Quant au soutien de la population, les derniers sondages réalisés fin avril – en pleine crise sanitaire – indiquent qu’il est en constante augmentation.