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Le mystère persistant de la tuerie de Chevaline

Les enquêteurs britanniques et français se sont retrouvés vendredi à Annecy, un an après la fusillade, pour faire le point

C’était le 5 septembre 2012. En ­vacances en Haute-Savoie, Saad al-Hilli, 50 ans, un Britannique d’origine irakienne, était tué de plusieurs balles sur un chemin de montagne ainsi que son épouse, sa belle-mère et un cycliste de la région, probable victime collatérale. Les deux filles du couple ont réchappé au massacre, l’aînée étant grièvement blessée. Elles vivent aujourd’hui chez des parents, dans un lieu tenu secret.

Un policier britannique qui a passé vingt années à Scotland Yard avoue que cette affaire est parmi les plus énigmatiques qu’il ait eu à traiter. Plus de 700 témoins ont été entendus pour retracer le parcours de la famille. Un dossier de 3000 procès-verbaux a été constitué. Eric Maillaud, procureur d’Annecy, a rappelé vendredi qu’aucune piste n’était encore écartée. Celle du tireur fou fut évoquée, mais les investigations effectuées tant en France qu’en Suisse et en Italie, dans les centres de tir, dans les hôpitaux psychiatriques, n’ont rien donné. «Mais cela peut être quelqu’un qui, pour la première fois, a commis un crime horrible», dit le procureur.

D’Areva à la RAF

Autre piste: celle de l’espionnage industriel. Coïncidence troublante, Saad al-Hilli était ingénieur et travaillait dans l’aéronautique; le cycliste tué travaillait pour une filiale du groupe nucléaire français Areva; le cycliste britannique qui a découvert la scène de crime et alerté les secours est un ancien pilote de la Royal Air Force. «Mais les vérifications faites jusqu’à présent laissent à penser que seul le hasard a réuni ces personnes», avance Eric Maillaud.

La piste la plus sérieuse demeure celle du différend familial autour de l’héritage. Un vif contentieux opposait Saad à son frère aîné, Zaïd, 54 ans, lié à la succession (3 à 5 millions d’euros) de leur père, mort en 2011 dans une maison de retraite de Malaga, en Espagne. Celui-ci a laissé derrière lui plusieurs biens immobiliers, dont la maison de Claygate qu’occupait Saad, dans la banlieue londonienne, un appartement en ­Espagne et d’autres biens en Irak, où le clan Al-Hilli avait fait des affaires avant la guerre. De grosses sommes avaient aussi été déposées sur plusieurs comptes numérotés à l’étranger, dont la Suisse, où «dorment» quelque 900 000 euros. En août 2012, Saad avait pris rendez-vous avec un banquier de la place de Genève à propos de ce dépôt.

Fin juin, Zaïd al-Hilli a été placé en garde à vue dans le Surrey (sud de Londres) et son domicile a été ­perquisitionné. Relâché faute de charges suffisantes, il a été placé sous contrôle judiciaire. Mais si le contrat familial avec commanditaire et tireur expérimenté recruté reste une hypothèse, il est souvent évoqué, d’autant que les meurtres ont été commis de manière professionnelle: «21 coups tirés et pas un seul dans la carrosserie de l’automobile, aucune trace d’ADN et l’arme utilisée, un Luger P06 de calibre 7,65 mm parabellum qui équipait l’armée suisse, brouille la traçabilité balistique», résume Eric Maillaud.