Initiative populaire
L’initiative pour un soutien financier aux vaches cornues a été rejetée au Conseil national. La discussion a toutefois enthousiasmé les parlementaires

Les vaches suisses souffrent-elles lors de l’écornage et doit-on soutenir les paysans qui épargnent leur coiffe? Ce sont les questions soulevées par l’initiative «Pour la dignité des animaux de rente agricoles», sur laquelle se penchait le Conseil national ce lundi. Déposé par le paysan grison Armin Capaul, le texte vise à inscrire un soutien économique aux éleveurs de vaches, chèvres, taureaux et boucs reproducteurs à cornes dans la Constitution. La Chambre basse l’a refusé par 108 voix contre 42, et 33 abstentions. Le Conseil fédéral et le Conseil des Etats, selon qui la législation en vigueur prévoit déjà des incitations financières, s’étaient au préalable déjà prononcés contre l’initiative sans lui opposer de contre-projet. Le peuple aura le dernier mot.
Débat singulier pour objet insolite
Jamais encore le crâne du bétail suisse n’avait été disséqué sous la coupole fédérale avec autant de minutie. Face à une salle éparse, partisans verts et socialistes et opposants du bloc bourgeois se sont succédé à la tribune pour évoquer, mi-amusés, mi-exaspérés, le pour et le contre d’un soutien aux coiffes de bovins helvétiques. Potentielles blessures entre bêtes ou aux éleveurs, bien-être animal ou encore agriculture intensive, la conversation a ratissé large et suscité plusieurs abstentions au moment du vote, tant le sujet est vaste et bénéficie d’un large capital sympathie auprès du public comme des politiciens.
«Les cornes sont importantes pour la communication, la vie sociale et la digestion des vaches», a affirmé Beat Jans (PS/BV). «Mais pourquoi les moutons ne sont-ils pas inclus dans la loi?» a questionné Olivier Feller (PLR/VD), soulignant qu’un problème se pose «avec les races de vaches génétiquement dépourvues de cornes». Les douleurs infligées aux ruminants ont également divisé le parlement. Selon Johann Schneider-Ammann, conseiller fédéral chargé de l’Agriculture, «si tout est fait selon les prescriptions, les animaux ne souffrent pas». Des vaches pourvues de cornes prennent par ailleurs plus de place et coûtent donc plus cher, a relevé Olivier Feller. Ce qui pourrait s’opposer à la stabulation libre, car une stabulation entravée n’a, elle, pas de coût supplémentaire.» «Ce n'est pas le but visé par l’initiative», lui a rétorqué Adèle Thorens (Verts/VD). Le bien-fondé d’agrémenter la Constitution d’une telle proposition a également alimenté le débat.
«Quoi qu’il en soit, la démocratie directe vit!»
Outre le bien-être animal, c’est surtout le système politique suisse dont il a été question: «Quoi qu’il en soit, la démocratie directe vit!» s’est exclamé Beat Jans, conseiller national socialiste bâlois, qui a souligné que le vote «fera sans doute le tour du monde et montrera à quel point les Suisses sont libres de voter, même sur les cornes des vaches!» Une fierté partagée par l’UDC Toni Brunner, qui s’est félicité de «ce beau pays dans lequel on peut voter sur tout» et a chaleureusement félicité Armin Capaul: «C’est un rebelle! Il a simplement utilisé les canaux démocratiques qui s’offraient à lui, je me réjouis du vote!» Aperçu dans la salle des pas perdus peu avant le début du débat, le désormais très connu paysan grison s’est déclaré «confiant» quant à l’issue finale de son initiative devant le peuple.