Protection
Les députés ont rejeté pour la seconde fois le projet de loi du Conseil fédéral, estimant qu'il n'améliore pas la protection des lanceurs d'alerte. Droite et gauche critiquent le projet

Les personnes qui signalent des irrégularités sur leur lieu de travail ne seront pas mieux protégées. Par 147 voix contre 42, le Conseil national a refusé jeudi une nouvelle fois le projet du gouvernement sur les lanceurs d'alerte, y mettant définitivement un terme. Seuls le centre et les Vert'libéraux l'ont soutenu. Le Conseil des Etats avait approuvé le projet. Mais pour le National, le projet du Conseil fédéral ne garantirait pas de protection réelle aux travailleurs concernés.
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Le parlement et le gouvernement voulaient ancrer dans la loi ce qui est licite. Jugeant les premières propositions du gouvernement trop compliquées, les Chambres lui avaient renvoyé le dossier en 2015. Pour l'instant, c'est le tribunal qui détermine au cas pour cas si un signalement est admissible au non. «Il est nécessaire d'agir», a lancé jeudi la ministre de la justice Karin Keller-Sutter.
Pas assez de protection
Le projet est refusé soit parce qu'il est trop compliqué, soit parce qu'il ne protège pas suffisamment les employés, a rappelé Yves Nidegger (UDC/GE) au nom de la commission. Il est trop éloigné de la pratique, a avancé Christa Markwalder (PLR/BE). «Le projet rate sa cible, voire péjore les conditions pour les employés», a pour sa part critiqué Baptiste Hurni (PS/NE).
Et Nicolas Walder (Verts/GE) d'abonder: «Le projet pourrait même avoir un effet dissuasif sur les salariés alors qu'il est essentiel de révéler les irrégularités.» Le Genevois a appelé le Conseil fédéral à s'atteler à un cadre légal qui protège réellement les lanceurs d'alerte.
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«Mais ce projet est nécessaire», a rétorqué Philipp Matthias Bregy (PDC/VS). Le prochain cas viendra, a-t-il averti. Et alors l'indignation sera grande à gauche comme à droite. La situation actuelle n'est plus supportable, a avancé Judith Bellaïche (PVL/ZH). Et d'ajouter que la société profite des révélations des lanceurs d'alerte alors qu'eux-mêmes sont criminalisés.
Structure en cascade
Le projet prévoyait une structure en cascade. Un signalement n'aurait été en principe admis que si l'employé se tournait d'abord vers l'employeur, puis une autorité et, en dernier recours, le public. L'entreprise aurait ainsi eu la possibilité de remédier elle-même aux irrégularités et de mettre sur pied un service pour recevoir et traiter les signalements. Les dénonciations anonymes auraient été possibles.
Les irrégularités pouvant être signalées auraient été aussi variées qu'un cas de corruption ou une fraude alimentaire en passant pas le mobbing. La violation d'un contrat conclu avec un client ou un dommage qui lui est causé par l'organisation n'aurait en revanche pas pu être signalée, car le projet excluait, en principe, le droit privé.
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Le projet ne prévoyait toujours pas de renforcer la protection des collaborateurs licenciés abusivement après avoir donné une alerte licite. Les concernés auraient continué de toucher une indemnité équivalant à six mois de salaire au plus.
Trop technique
De l'avis du PS, le projet est trop technique. «Rien n'est compliqué. On le comprend si on le veut», a riposté Matthias Bregy. Le problème réside dans le «qu'est-ce qui peut être annoncé», a argué Pirmin Schwander (UDC/SZ). Pour Karin Keller-Sutter, un certain degré de détail est nécessaire pour apporter la sécurité. Le projet apporte une amélioration de la situation. Et d'avertir qu'un meilleur projet ne pourra pas être présenté.
Transparency International est scandalisé par la décision du National. Selon l'organisation, cette décision est «fortement préoccupante et une preuve d'incapacité pour la Suisse alors que l'UE vient d'améliorer la protection des lanceurs d'alerte».