La naturalisation facilitée permettrait à 25 000 jeunes de devenir Suisses
Votation
Le 12 février prochain, les Suisses voteront sur un projet de naturalisation simplifiée pour les étrangers de 3e génération. Une population estimée à 25 000 personnes, dont toutes ne demanderont pas le passeport à croix blanche

Qui sont les jeunes susceptibles d’obtenir un passeport suisse, si le projet en faveur de la naturalisation facilitée des étrangers de la 3e génération est accepté en votation, le 12 février prochain? Potentiellement, 24 650 jeunes pourraient demander leur naturalisation; une majorité d’entre eux sont Italiens, Turcs ou originaires des Balkans. Une étude réalisée par Philippe Wanner, professeur à l’Institut de démographie et socioéconomie de l’Université de Genève, dresse le profil de ces jeunes. Elle a été dévoilée mardi à Berne par Simonetta Sommaruga.
La cheffe du Département fédéral de Justice et Police s’engage en faveur du oui, comme le Conseil fédéral, la majorité du parlement et des partis, ainsi que l’Union des villes suisses. «Ces jeunes sont nés en Suisse, ils ont été à l’école en Suisse, certains travaillent ici, ils parlent le français, l’allemand ou l’italien, participent à la vie sociale et font partie d’associations sportives. Leur pays, c’est la Suisse. Ils sont ici chez eux», a lancé la conseillère fédérale.
Pas d’automaticité
Plusieurs projets de naturalisation facilitée ayant été refusés par le passé, la modification constitutionnelle soumise au peuple est cette fois très restrictive. Contrairement au projet rejeté en 2004, la naturalisation n’est pas automatique: il faut la demander et remplir un certain nombre de conditions cumulatives. Les jeunes doivent avoir moins de 25 ans, une limite fixée pour empêcher les garçons d’échapper au service militaire.
Les jeunes étrangers doivent être nés en Suisse et y avoir suivi au moins cinq ans de scolarité obligatoire. Ils doivent maîtriser une langue nationale, être bien intégrés, respecter l’ordre juridique et posséder un Permis C. Au moins l’un des parents des candidats au passeport suisse doit avoir vécu dix ans en Suisse et y être allé à l’école pendant au moins cinq ans; les parents doivent également posséder un Permis C. Quant aux grands-parents, l’un d’entre eux au moins doit être né en Suisse ou y avoir obtenu un titre de séjour. Différences majeures avec la naturalisation ordinaire: les tracasseries administratives et financières sont diminuées, les auditions tombent.
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En cherchant, dans divers registres et statistiques, à cerner la population des jeunes éligibles à la naturalisation facilitée, Philippe Wanner est donc arrivé au chiffre de 24 650 personnes remplissant actuellement l’ensemble des critères, mais cela ne dit pas encore s’ils demanderont tous la nationalité suisse. Ces jeunes ont entre 9 et 25 ans. S’y ajoutera par la suite une moyenne de 2300 enfants qui atteindront chaque année leurs 9 ans, l’âge requis pour avoir été à l’école durant cinq ans en Suisse. Là encore, rien ne dit qu’ils demanderont tous le passeport à croix blanche.
Déjà des simplifications
Sur les 25 000 jeunes potentiellement concernés, près de deux tiers sont issus d’un couple dont au moins un parent est né en Suisse, principalement dans les années 1960 et 1970. Près de la moitié (10 000 personnes) vit dans les cantons suivants: Genève, Vaud, Jura, Neuchâtel, Fribourg, Berne et Zurich pour lesquels un concordat prévoit déjà des simplifications en vue de la naturalisation des étrangers de 2e génération. C’est là aussi que les partisans de la modification constitutionnelle espèrent remporter le plus facilement un oui.
Nous avions besoin de bras, ce sont des hommes qui sont venus
Selon Philippe Wanner, les jeunes de la 3e génération susceptibles de demander leur naturalisation forment deux groupes principaux. Ceux-ci découlent des flux migratoires historiques qu’a connus le pays. D’abord, les jeunes Italiens, dont l’un au moins des grands-parents est venu travailler en Suisse dans les années 1950 ou 1960 et dont l’un des parents est souvent né en Suisse dans les années 1960 ou 1970. Deuxième groupe potentiellement concerné: les enfants originaires des Balkans, dont les grands-parents ont fui les conflits dans les années 1980 et 1990. Le nombre de jeunes de nationalité turque est également important, suivis par les Espagnols et les Portugais.
Reconnaître le travail des immigrés
Aux côtés de Simonetta Sommaruga pour lancer la campagne, Anders Stockholm, maire de Frauenfeld et représentant de l’Union des villes suisses a rappelé la célèbre citation de Max Frisch: «Nous avions besoin de bras, ce sont des hommes qui sont venus.» «Finalement, les saisonniers qui travaillaient dans les usines et la construction se sont souvent mariés en Suisse et y ont fondé une famille. Nous parlons aujourd’hui de la naturalisation de leurs petits-enfants», a-t-il plaidé.
La conseillère fédérale a avancé le même argument: «Permettre aux jeunes de devenir Suisses plus facilement est une façon de reconnaître que le travail de leurs parents et de leurs grands-parents a contribué à construire le pays.»