Neuchâtel n’est plus un enfer fiscal. C’est le message donné par le Grand Conseil, qui a plébiscité le projet de réforme de l’imposition des personnes physiques ciblée sur la classe moyenne et les familles (102 voix contre 2). Tous les groupes ont soutenu le projet amendé par la commission fiscalité, avec des effets échelonnés en trois phases. Le manque à gagner pour le canton et les communes passera de 21 millions de francs en 2013 à 48 millions en 2016. La réalisation des deuxième et troisième phases, en 2017 et 2018, sera décidée au terme d’une évaluation du Grand Conseil. Si tout se passe comme prévu, la réforme aura un effet maximal de 133 millions.

Cette mesure attendue constitue un élément important de la stratégie du gouvernement pour améliorer l’attractivité d’un canton qui perd 500 contribuables par an. Un exode dirigé vers l’Arc lémanique, mais aussi vers le canton de Berne et le sud du lac de Neuchâtel, où le prix du terrain et la fiscalité sont moins lourds que sur le Littoral neuchâtelois. Elle constitue aussi «une promesse aux Neuchâtelois», comme l’a rappelé le grand argentier socialiste Jean Studer: l’acceptation l’an dernier de la réforme de la fiscalité des entreprises offre un surplus de recettes de 50 millions par an. Un montant appelé à compenser en partie la baisse de l’impôt des personnes physiques.

Dépasser ses voisins

Le projet voté par le Grand Conseil permettra, à terme, à Neuchâtel d’être plus attractif pour les familles que ses voisins jurassien, vaudois et bernois. Il prévoit la déductibilité totale des frais de garde des enfants (plafond: 17 500 francs). Une déduction forfaitaire par enfant entrera en vigueur par paliers. En 2017, elle sera de 6000 francs pour les petits jusqu’à 4 ans; de 7500 francs de 5 à 14 ans et de 10 000 francs par jeune en formation à charge de ses parents. Ces montants, inférieurs à ceux qui étaient proposés par le Conseil d’Etat, seront complétés par un rabais forfaitaire par enfant directement déduit de la facture d’impôt: 200 francs de 2014 à 2016, puis 400 et même 500 francs en 2018.

Soutenu par la majorité de gauche du parlement, l’effort ciblé sur les familles ne suffisait pas à la droite. UDC et libéraux-radicaux ont obtenu une correction du barème fiscal dès 2013; la baisse de la valeur locative et la compensation automatique de la progression à froid à partir de 2017. «Nous regrettons qu’un effort plus grand n’ait pas été consenti sur la baisse de la courbe fiscale pour attirer des personnes à haut revenu, a indiqué le rapporteur du PLR, Claude Guinand. Mais cette loi est le fruit d’un compromis, après des discussions intenses mais constructives.»

La quasi-unanimité derrière le projet possède un double mérite. Elle met un terme à la guerre fiscale qui a pourri le climat politique cantonal ces dix dernières années. Elle donne un signal fort à la population avant le vote sur le projet Transrun et le futur RER en sep­tembre prochain. «La fiscalité ne suffit pas, a martelé le Vert Robby ­Tschopp. Le RER est un maillon essentiel pour accompagner cette réforme et rendre le canton attractif.»

Jean Studer, qui défendait pour l’occasion son dernier gros dossier devant le Grand Conseil, a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas de sous-enchère fiscale. «Il y a un projet derrière», a souligné le futur président du Conseil de banque de la BNS en louant la beauté «de ce merveilleux canton» entre lac et montagne, «un cas sans doute unique en Suisse». Un appel du pied aux familles résidant dans l’Arc lémanique, «une région saturée sur tous les plans».