Finances
Un an après l'«affaire Monnard» et à la veille des élections locales, la troisième ville de Suisse romande s'est refait une santé en réévaluant à la hausse de plus de 300 millions la valeur de ses biens immobiliers et fonciers. Le ménage courant reste, lui, dans le rouge

A l'instar de sa météo, hivernale mercredi et empêchant le départ du Tour de Romandie cycliste mais redevenue ensoleillée vendredi, la Ville de La Chaux-de-Fonds fait le grand écart en matière de finances. Le naufrage était annoncé il y a douze mois, avec un déficit record de 12 millions de francs, à la suite de l'«affaire Monnard», du nom de l'ancien élu PLR responsable de la trésorerie, accusé de ne pas avoir voulu voir que les recettes fiscales des entreprises étaient en chute libre, démissionnaire en avril 2015, puis blanchi de toute irrégularité par le procureur du canton.
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En avril 2016, à cinq semaines des élections locales, l'exécutif de la troisième ville de Suisse romande (39 000 habitants) brandit une fortune financière retrouvée de 51 millions, avec des provisions pour 260 millions.
Dans la panade financière en 2015, La Chaux-de-Fonds a procédé à la réévaluation de son patrimoine administratif, immobilier et financier. Certains terrains, qui figuraient pour 1 franc au bilan, sont désormais comptabilisés à leurs «vraies valeurs», souligne la ministre chaux-de-fonnière des finances, la libérale -radicale Sylvia Morel. Alors qu'elle ne répondait plus aux exigences de la loi cantonale, la ville se découvre une fortune de 320 millions de francs.
Ce n'est pas de l'argent frais, mais cette réévaluation permet de constituer des provisions, pour amortir les actifs réévalués, combler les besoins de renflouement de la caisse de pension (75 millions), faire face à l'emprunt toxique contracté par la ville et qui déploiera ses effets négatifs jusqu'en 2022 (21 millions) et pour mettre de côté 66 millions dans une réserve politique conjoncturelle, autrement dit pour éponger les déficits à venir et se prémunir face à la baisse programmée des recettes fiscales.
Le ménage courant reste dans le rouge
Pourquoi avoir crié au loup il y a un an, réduit les subventions aux associations culturelles et sportives, suspendu les grands projets de zoo-musée et de piscine et clamé que la ville avait un déficit structurel de 18 millions, alors qu'il suffisait de réévaluer à leur juste valeur les biens de la commune ?
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La réalité financière, justement, reste préoccupante. Comme en 2014, l'exercice financier 2015 ordinaire boucle avec une perte opérationnelle de 11 millions, ramenée à 5,8 millions après dissolution de réserves, pour un total de charges de 213 millions. C'est à peine mieux (1 million) que le budget réécrit en catastrophe au printemps 2015.
Nombre d'emploi en hausse
Pourtant, les autorités se sont démenées, et elles l'ont répété vendredi matin devant les médias, pour réduire la voilure. Ainsi, les charges de personnel sont de 2,5 millions inférieures au budget, grâce à des engagements différés, des diminution de taux d'occupation et des suppressions de postes (8 par exemple à la voirie), mais sans licenciement.
Malgré ces efforts, les coûts de personnel en 2015 sont toujours plus élevés qu'en 2014 et le nombre d'emplois (EPT) a augmenté de 16,5. «Nous devons appliquer les lois cantonales, et elles nous ont ainsi imposés d'avoir 9 EPT supplémentaires dans les prestations d'accueil parascolaire», justifie Sylvia Morel, indiquant que ces postes supplémentaires ne sont pas entièrement à la charge de la ville.
Le futur s'annonce délicat, le budget 2016 prévoit 17,5 millions de déficit. La ville pourra puiser dans la réserve conjoncturelle, pour compenser la dégringolade des rentrées fiscales provenant des entreprises, de nouveau en baisse en 2015. Là où la ville de Neuchâtel encaisse 50 millions par an, La Chaux-de-Fonds doit se contenter de 17 millions. La faute à la baisse du taux fiscal des entreprises et à la mauvaise conjoncture.
8 millions à économiser
Le président socialiste Théo Huguenin-Elie annonce que d'ici à 2018, la ville entend retrouver l'équilibre de son ménage et doit économiser 8 millions. «Plutôt que de couper linéairement, nous privilégions la méthode du faire autrement et les solutions intelligentes», précise Sylvia Morel. Ainsi, si la ville déneigeait auparavant tous les chemins, elle se contente désormais de dégager les principaux axes. Elle économise 1,5 million en renonçant au trolleybus et en le remplaçant par des bus. Elle prévoit de supprimer une ligne de bus, en en améliorant une autre. C'est 150 000 francs de pris.
En campagne
Sylvia Morel et Théo Huguenin-Elie (ainsi que l'UDC Jean-Charles Legrix) sont candidats à un nouveau mandat, le 5 juin (le POP Jean-Pierre Veya et la verte Nathalie Schallenberger s'en vont). S'ils étaient effondrés, avec la mine grave, il y a un an, ils sont apparus plus sereins et souriants vendredi. Présents en ordre dispersé autour de la table, alors qu'ils se tenaient épaule contre épaule il y a un an.
Certes, ils continuent d'affirmer qu'il faut poursuivre le travail d'assainissement, avec une administration dont ils louent l'engagement, mais ils renoncent aux coupes fortes, à la hache. Mieux, Théo Huguenin-Elie s'emploie à délivrer un message résolument positif : «Cette ville continue de vivre, avec des manifestations culturelles et sportives phares. Le navire qui prenait l'eau en 2015 voit sa brèche colmatée, même s'il reste de l'eau dans la cale. La confiance renaît», dit-il à l'égard d'une population dont il salue la solidarité et la résilience. Electrice le 5 juin, cette population dira si le navire chaux-de-fonnier reste aux mains des mêmes capitaines.