Comme en 2011, 2012 et 2014, pour la septième fois en dix ans, malgré d’importants déficits budgétaires et d’âpres batailles politiques au Grand Conseil, le canton de Neuchâtel boucle ses comptes 2015 avec un petit bénéfice, 59 688 francs. Il a également renfloué sa réserve conjoncturelle de 8,9 millions.

Laurent Kurth et le gouvernement à majorité socialiste peuvent se targuer de bien maîtriser les charges. Certes en légère augmentation par rapport à 2014, les coûts de personnel et des biens, services et marchandises sont inférieurs aux prévisions budgétaires.

L’impôt des entreprises en «chute brutale»

Il y a bien la «chute brutale», de 20%, des recettes fiscales des personnes morales (de 221 à 177 millions entre 2014 et 2015), annoncée et étroitement liée aux fluctuations conjoncturelles. Elle est fort heureusement compensée par l’augmentation de l’impôt des personnes physiques (de 694 à 721 millions). C’est à peu près tout ce qu’il y a à dire du compte de fonctionnement 2015 du canton de Neuchâtel, qui s’appuie sur un total de revenus de 2,2 milliards de francs.

Facteurs extérieurs favorables

Le résultat final dépend de facteurs extraordinaires. Et de deux décisions fédérales favorables. La BNS a versé une double part de son bénéfice à la Confédération et aux cantons (deux fois 14,5 millions pour Neuchâtel) et le Tribunal administratif fédéral a écarté une brèche dans le financement des universités par la Confédération. Neuchâtel avait provisionné 22,7 millions pour y faire face. Il a éliminé ladite provision. Au total, des provisions pour 52 millions ont été dissoutes, des réserves pour 30 millions constitués.

Alors que le budget prévoyait une perte de 11,3 millions, le boni 2015 est de 9 millions, dont 8,9 prudemment déposés dans la réserve conjoncturelle, car 2016 et 2017 s’annoncent périlleux.

Bilan et dettes préoccupants

L’impression que les affaires financières neuchâteloises roulent, ce d’autant que le Grand Conseil doit valider avant l’été un programme d’assainissement de plus de 100 millions de francs, est contrecarrée par la structure délicate et l’état «très préoccupant», dit Laurent Kurth, du bilan et de la dette du canton. Neuchâtel affiche ainsi un découvert de 615 millions, soit 31% du bilan. Malgré un bénéfice comptable et un taux de couverture de plus de 100% des maigres investissements, la dette augmente de quelque 70 millions, en raison d’opérations comptables. Elle se monte à fin 2015 à 1,23 milliard de francs. C’est inquiétant parce qu’elle est supérieure (107,4%) à l’ensemble des recettes fiscales d’une année. Autre chiffre susceptible d’effrayer: le canton cautionne pour 2,2 milliards d’engagements para-étatiques, dont 1,9 milliard pour la caisse de pension de l’Etat.

S’ils font grise mine devant les caméras, les ministres savent pourtant que cette «structure financière fragile» n’a pas vraiment d’effet négatif immédiat. Le canton est toujours coté A + et n’a pas de problème pour trouver des prêteurs. Il est loin de la situation vaudoise de juin 2003, lorsque le canton avait dû emprunter pour verser les salaires et n’avait pas trouvé cet argent sur le marché ordinaire. Selon le chef du Service financier, Nicolas Gigandet, Neuchâtel parviendra à trouver les crédits pour financer la nouvelle ligne ferroviaire souterraine Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds, surtout si le milliard nécessaire que le canton doit avancer est saucissonné sur dix ans.

Besoin de rationaliser les structures

Tant que les taux d’intérêt resteront bas, Neuchâtel ne pâtira pas de sa dette élevée. Tout au plus lui coûte-t-elle 0,2 point d’intérêt en plus (le taux moyen des emprunts est de 2,28%), soit grosso modo 2,5 millions par an. Mais Laurent Kurth n’entend pas s’en satisfaire et réitère son appel à «rationaliser les structures et soutenir les dynamiques générales positives». Le Grand Conseil entendra-t-il l’appel pas plus tard que ce mardi? Il est invité à ratifier la circonscription électorale unique et la diminution de 115 à 90 du nombre de députés.