Comme en 2007, une majorité de Neuchâtelois a refusé d’élargir les droits civiques accordés aux étrangers titulaires d’un permis C et résidant depuis cinq ans au moins dans le canton. Ils sont déjà électeurs aux plans communal et cantonal, éligibles dans les communes. Le projet soumis au peuple consistait à les rendre éligibles au plan cantonal.

Par 27 556 voix contre 23 432 (54% de non), Neuchâtel ne deviendra pas le premier canton à permettre à ses étrangers de briguer des postes de députés ou de conseillers d’Etat. En 2007, le rejet était plus important: 59,1%. Les villes de Neuchâtel (54%) et La Chaux-de-Fonds (52,3%) ont accepté l’objet, mais 33 des 36 communes l’ont refusé, notamment la pourtant très popiste ville du Locle ou Val-de-Travers qui compte pourtant un élu professionnel belge, Frédéric Mairy, le mieux élu lors des communales de juin dernier.

La participation a péniblement atteint 38,1%. Sur les 23 700 électeurs neuchâtelois étrangers (pour un électorat total de 135 600 personnes), seuls 3000 sont allés voter (13% de participation).

Neuchâtel reste ouvert aux étrangers

L’intégration politique des étrangers est une préoccupation culturelle à Neuchâtel. En 1989, faisant œuvre de pionnier, le ministre de l’Education d’alors, feu le libéral Jean Cavadini, décrétait par arrêté que chaque enfant avait droit à l’éducation et notamment à la formation professionnelle. Les enfants sans papiers étaient intégrés à l’école publique, sans risque de dénonciation.

L’ouverture aux étrangers est bien antérieure. Elle remonte à 1848, à l’avènement de la République. Les étrangers ont depuis lors le droit de vote communal. Neuchâtel a fait figure d’exception durant plus d’un siècle.

Le Jura a pris le relais, lors de la création du canton, avec sa Constitution novatrice de 1977. Il a accordé le droit de vote communal et cantonal aux étrangers vivant depuis dix ans en Suisse, dont un dans le canton, à l’exception des objets constitutionnels. Ce même Jura a failli octroyer le droit d’éligibilité à ces étrangers en 1996, mais le peuple l’a refusé de justesse, à 52,8%.

En septembre 2000, profitant du toilettage de sa Constitution, Neuchâtel élargit, avec un taux d’acceptation de 76%, le droit de vote octroyé aux étrangers titulaires du permis C et résidant depuis cinq ans en Suisse aux objets et élections cantonaux.

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Au début des années 2000, les autres cantons romands, à l’exception du Valais, octroient à leur tour des droits civiques aux étrangers, communaux (droit de vote et d’éligibilité) pour Vaud et Fribourg, droit de vote à Genève. Le Jura a franchi dernièrement le cap de l’éligibilité communale, par étapes (d’abord les parlements locaux, puis les exécutifs), à l’exception de la fonction de maire.

Seuls trois cantons de Suisse alémanique accordent des droits civiques restreints, de vote communal, aux étrangers: Bâle-Ville, les Grisons et Appenzell Rhodes-Intérieures.

Eligibilité acceptée à Neuchâtel, lors d’un scrutin spécifique

En juin 2007, lors d’un scrutin spécifique (et donc pas dans un paquet constitutionnel révisé), Neuchâtel accepte l’éligibilité communale des étrangers, à 54,5%. Une stratégie habile, préconisée par le gouvernement d’alors, en guise de contre-projet à une initiative qui voulait l’éligibilité globale, et donc cantonale, des étrangers. L’initiative a été rejetée à 59,1%, mais le contre-projet d’éligibilité locale a passé la rampe.

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Les partisans du droit d’éligibilité cantonale à Neuchâtel estimaient qu’il était temps de boucler la boucle et de permettre aux quelque 23 000 étrangers de plus de 18 ans titulaires d’un permis C et résidant depuis cinq ans en Suisse (1/6 de l’électorat – Neuchâtel compte 45 000 étrangers au total, 25% de la population), déjà électeurs et autorisés à signer initiatives et référendums cantonaux, d’être candidats aux fonctions cantonales, précisant qu’être candidat ne signifie pas encore être élu.

Pas question, a rétorqué l’UDC, au travers de ce slogan affiché partout dans le canton: «Tu veux être élu, tu te naturalises!» A noter que l’éligibilité communale a notamment permis l’élection d’un ressortissant belge, Frédéric Mairy, à l’exécutif professionnel de Val-de-Travers (11 000 habitants). En juin dernier, il a même été le mieux élu de cette région rurale et plutôt conservatrice: 43% des votants lui ont fait confiance.


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