Neuchâtel a connu mardi un de ces coups d’arrêts dans ses nécessaires réformes et modernisations dont il a le secret. En 2012, il avait à la surprise générale refusé le Transrun qui devait relier par le rail Neuchâtel à La Chaux-de-Fonds – décision populaire «corrigée» en février dernier avec le plébiscite du programme de «mobilité 2030».

Ce 26 avril, une majorité du Grand Conseil (60-43), réunissant le gros des troupes UDC, socialistes, vertes et popistes, a refusé ce que le gouvernement avait pourtant présenté comme la «clé de voûte» des réformes: la circonscription électorale unique et cantonale pour désigner les députés au Grand Conseil, ainsi que la réduction du nombre d’élus de 115 à 90.

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Le projet consistait à supprimer les actuels six districts, «devenus des coquilles vides» a plaidé le ministre Alain Ribaux, et à élire les députés à l’échelle du canton, pour qu’ils acquièrent une conscience cantonale plutôt que de défendre les intérêts régionalistes de leurs électoraux locaux.

Renvoi qui équivaut à un rejet

Le Grand Conseil n’a pas frontalement rejeté la circonscription unique. Il a même voté l’entrée en matière à 77 contre 33, avant de renvoyer le projet à une commission qui avait admis le principe de la réforme! Ce report condamne de fait le nouveau système qui ne pourra pas entrer en vigueur lors des élections cantonales du printemps 2017.

Alors que le Conseil d’Etat n’a cessé de marteler l’importance d’unifier le canton et de dépasser les clivages régionalistes paralysants, les députés n’ont eu qu’une formule à la bouche: défendre les intérêts et les prés carrés des régions.

L’opposition au projet du POP, des Verts et de l’UDC étaient attendue. Le soutien au deux tiers du PLR aussi. La surprise est venue des socialistes, qui ont sorti de leur manche l’artifice du renvoi «pour mûrir le sujet» et de fait le faire capoter. Pourtant, une assemblée générale du PS neuchâtelois, en 2015 déjà, avait décidé de soutenir la circonscription unique.

Le vain plaidoyer des jeunes

Alors qu’il s’agit d’un des projets-phares de la législature, le PS a envoyé un député suppléant défendre son point de vue alambiqué. Aucun des trois conseillers d’Etat socialistes n’est intervenu dans le débat. Les députés socialistes ont ainsi infligé un désaveu au gouvernement à majorité socialiste.

Il ne s’est trouvé, au final, que 43 députés sur 115 pour appuyer la réforme et parmi eux, trois des plus jeunes élus qui ont vainement appelé à «sortir de la zone de confort et aller de l’avant»: la libérale-radicale Béatrice Haeny, l’UDC Xavier Challandes et le socialiste Baptiste Hunkeler.


Commentaire: Un conservatisme affligeant

Expression austère, la circonscription électorale unique n’est pas la formule magique susceptible de réformer un canton de Neuchâtel qui peine à comprendre que le monde a changé, qu’il n’est plus ce canton riche des Trente Glorieuses et qu’il court à sa perte s’il ne se restructure pas rapidement. Mais elle est un outil nécessaire, appelé à faire évoluer les mentalités. Le gouvernement l’avait compris et en avait fait le projet-phare de son programme de législature, il y a deux ans.

Le Conseil d’Etat s’est d’abord heurté à l’indifférence, puis a cru avoir convaincu quand les deux partis gouvernementaux, PS et PLR, ont soutenu le principe. Il est tombé de haut ce mardi, avec un groupe parlementaire socialiste qui a retourné sa veste. Le débat au Grand Conseil a été affligeant de conservatisme et d’hypocrisie régionaliste. En votant pour le statu quo, les députés ont surtout pensé à leur propre intérêt – c’est plus facile de se faire élire dans sa petite circonscription –, en faisant croire qu’ils défendaient les régions excentrées. Rien n’est plus faux.

Le système actuel fixe le nombre de députés en fonction de la démographie. Celle de l’agglomération de Neuchâtel et du Littoral progresse plus vite que celle des Montagnes. De fait, les députés ont voté pour l’affaiblissement à terme de la députation du Haut.

Le rejet de la circonscription électorale unique risque de provoquer des effets collatéraux: il ébranle un gouvernement pourtant travailleur, visionnaire et volontarisme qui a réussi à rétablir la confiance. Il présage mal du sort des prochains dossiers-clés, la redistribution spatiale hospitalière et la centralisation de la justice à La Chaux-de-Fonds. La balle est dans un camp socialiste qui pourrait imploser.