C’était son premier grand oral de ministre. Réussi haut la main, avec mention. Dimanche, 84,2% des Neuchâtelois qui sont allés voter ont plébiscité le programme « mobilité 2030 » et son porteur, le conseiller d’Etat PLR Laurent Favre, qui avait judicieusement manœuvré pour que le projet ne soit pas personnalisé mais défendu par toute la classe politique.
Seize mois après son entrée au Conseil d’Etat, où il a été élu avec 68% des suffrages lors d’une élection partielle convoquée pour remplacer le défaillant UDC Yvan Perrin, Laurent Favre est l’autre grand vainqueur du scrutin du 28 février. La barbe taillée et le nœud de cravate parfaitement ajusté, le magistrat PLR a savouré la validation populaire de sa stratégie avec solennité, au travers d’une brève intervention très travaillée, dans laquelle il a usé d'une métaphore sportive pour indiquer qu’il ne s’agit que d’un succès d’étape (« Les qualifications sont passées, il reste la finale à gagner »), donné les échéances à venir pour que la route et le rail se développent dans son canton, et salué l’implication des autorités et de mouvements citoyens.

Rassembleur et intégrateur

Même s’il a ouvert le champagne avec ses collègues du gouvernement, Laurent Favre a tenu à avoir le triomphe modeste, rester la « force tranquille » qu’il entend être. Il a pourtant été un chef d’orchestre habile pour ficeler un dossier que le même peuple neuchâtelois avait retoqué en septembre 2012.
Laurent Favre a compris que pour donner une chance à la réalisation des infrastructures de transport routières et ferroviaires dont Neuchâtel a besoin, il faut en priorité rassembler et intégrer toutes les régions du canton, les acteurs politiques et les diverses sensibilités.

Lobbyiste

Mieux, Neuchâtel a besoin de solides appuis extra-cantonaux. Il devient alors l’ancien parlementaire fédéral (il a été conseiller national de 2007 à 2014) qui a travaillé en coulisses, fait du lobbyisme à Berne, et utilisé à bon escient sa position à la tête de l’Association des cantons de montagne pour permettre la constitution du fonds Forta. Ce fonds devra financer la reprise par la Confédération de 370 de routes cantonales, dont la H20 Neuchâtel – La Chaux-de-Fonds – Le Locle, qui a tant besoin de développement (modernisation du tunnel sous la Vue-des-Alpes et contournement des villes des Montagnes).
Il y avait pourtant un risque, en 2014, que Laurent Favre soit la cinquième roue d’un char gouvernemental neuchâtelois élu au printemps 2013, qui a construit une collégialité forte sans lui. Avant son élection, il avait dû faire le grand écart en prenant des positions qui satisfassent son parti, le PLR, et en donnant des gages de sa capacité à intégrer harmonieusement un gouvernement dominé par les socialistes et deux hommes forts, Laurent Kurth et Jean-Nat Karakash.

Lire aussi : Laurent Favre, une stature ministérielle pour Neuchâtel

Lors de ses premières apparitions devant le Grand Conseil, Laurent Favre a été chahuté par la gauche, qui doutait de ses intentions en matière de mobilité douce. Il était alors apparu agacé et extrêmement réservé.
En fait, le ministre avait compris que le plan de mobilité cantonale ne pouvait pas être un jouet politique neuchâtelo-neuchâtelois, la Berne fédérale ne l’aurait pas compris. Il a su conserver le poing dans sa poche et, plutôt qu’en tenir rigueur, il a construit un projet incluant toutes les formes de mobilité, consacrant le principe de complémentarité route-rail.

De l'ombre à ses collègues ?

Laurent Favre a rapidement revêtu le costume d’homme d’Etat, en maîtrisant les dossiers avec une fine connaissance des évolutions nationales, et comme membre d’un gouvernement qu’il contribue à renforcer. Ferait-il même un peu d’ombre à ses collègues ? L’émergence de Laurent Favre est une bonne nouvelle pour le canton de Neuchâtel. Elle renforce l’équilibre gouvernemental et crée un lien privilégié entre l’exécutif cantonal à majorité de gauche et un PLR qui rue dans les brancards et exprime un impérieux besoin de se profiler.
Le plus dur est à venir pour le ministre du développement territorial : il devra convaincre à Berne de la pertinence de financer les infrastructures de son canton et confirmer son statut de membre influent d’un gouvernement de gauche.