Publicité

L’Eglise réformée neuchâteloise a pris une décision «excessive», dit le Conseil d’Etat

L’interdiction des cérémonies laïques décidée fin janvier n’est pas applicable dans les temples appartenant aux communes, selon le gouvernement. Devant le Grand Conseil, Laurent Kurth a évoqué une «interprétation excessive» du concordat qui lie les Eglises à l’Etat

La collégiale de Neuchâtel en avril 2022. — © Jean-Christophe Bott/Keystone
La collégiale de Neuchâtel en avril 2022. — © Jean-Christophe Bott/Keystone

L’Eglise réformée évangélique neuchâteloise (EREN) est libre d’interdire les cérémonies laïques dans les temples dont elle est propriétaire, mais pas dans ceux appartenant aux communes. Le Conseil d'Etat a répondu mercredi matin aux députés du POP et du PS qui s’interrogeaient sur la légitimité de la décision prise par l’EREN fin janvier. «Le synode considère qu’il est responsable de ce qu’il se passe dans les temples. D’un point de vue juridique, cela relève d’une interprétation excessive du concordat liant les Eglises reconnues à l’Etat», selon le ministre chargé des cultes, Laurent Kurth (PS).

Lire aussi: Divisée, l’Eglise réformée neuchâteloise ferme ses temples aux cérémonies laïques

Que dit ce concordat? Notamment que dans les édifices religieux en mains communales – soit 85% des temples neuchâtelois – «aucune manifestation allant à l’encontre des buts poursuivis par les Eglises ne peut être autorisée». Avant toute utilisation des bâtiments, un préavis doit être demandé aux autorités ecclésiastiques. Et c’est sur ce point que l’interprétation de l’EREN et celle du Conseil d'Etat diffèrent: «Un préavis n’a pas valeur de décision, nous a précisé Laurent Kurth. En dernier ressort, c’est aux communes qu’il revient de trancher.»

Incompréhension des collectivités publiques

Ces dernières semaines, la décision de l’EREN a suscité une certaine incompréhension au sein des collectivités publiques. Notamment parce que le concordat définit également que les communes sont responsables de l’entretien des édifices religieux dont elles sont propriétaires. D’aucuns se sont étonnés de voir le Conseil synodal édicter des règles strictes pour des locaux qui ne lui appartiennent pas et qui sont financés via les impôts des contribuables, indépendamment de leur statut confessionnel.

A Val-de-Ruz, qui possède 11 temples, le sujet a été abordé lundi soir au Conseil général. Contacté mardi, le président de commune Jean-Claude Brechbühler nous a confirmé ne pas vouloir suivre les nouvelles règles de l’EREN, à moins d’y être contraint. Il regrette surtout que les communes n’aient pas été consultées par le Conseil synodal: «Nous avons découvert cette interdiction dans les médias. C’est une erreur de communication regrettable. Nous devons ouvrir la discussion pour trouver un compromis qui satisfasse tout le monde.» Un dialogue qu’encourage aussi vivement Laurent Kurth.

Lire aussi: «Nous refusons de créer la confusion sur le plan religieux en accueillant des cérémonies laïques»

Au Grand Conseil, le POP et le groupe socialiste s’interrogeaient aussi sur les subventions cantonales accordées à l’EREN (environ 800 000 francs selon son budget 2023), ainsi que sur une éventuelle réallocation des ressources allouées à l’entretien des édifices religieux pour financer d’autres lieux à même d’accueillir des cérémonies laïques. «Comme l’interdiction décidée par le synode n’est pas applicable hors de ses propres temples, la question n’est pas d’actualité», répond Laurent Kurth.

Ce qui ne signifie pas qu’elle ne reviendra pas sur la table lors de la prochaine révision du concordat, prévue en 2030. Selon le président de l’Association des communes neuchâteloises, Frédéric Mairy, les tensions engendrées par cette affaire pourraient donner des arguments aux collectivités qui souhaiteraient redéfinir leurs obligations financières à l’égard des Eglises. Ce dont s’inquiétait un pasteur à la sortie du Conseil synodal du 25 janvier: «Certains députés n’attendent qu’un faux pas de notre part pour mettre fin au concordat, ce qui ferait disparaître l’EREN en tant que telle.»

«C’était le seul moyen d’ouvrir le débat»

Au vu de ces éléments, l’Eglise réformée neuchâteloise ne s’est-elle pas tiré une balle dans le pied? «Non, répond son président Yves Bourquin. Avant de parler aux communes, il fallait que nous adoptions une position ferme – qui prévoit tout de même des exceptions – validée par la majorité des députés synodaux. Cela afin de montrer que nous ne sommes plus d’accord avec certaines pratiques. C’était le seul moyen d’ouvrir le débat.» Selon lui, les réponses apportées par Laurent Kurth permettront de faire avancer les réflexions de manière positive.

Lire aussi: L’Eglise doit-elle refuser les cérémonies laïques pour exister?

«Nous ne voulons entrer ni en guerre, ni dans le juridisme. Mais nous demandons, en tant que partenaire, un respect mutuel et des solutions qui permettent légitimement d’améliorer la situation. La question fondamentale dans tout cela porte sur l’identité de l’Eglise, ses droits, ses rôles.» Et d’ajouter que la solution définitive qui sera trouvée dépendra de la bonne volonté de toutes les parties lors du dialogue qui doit désormais s’ouvrir.