Depuis le début de la pandémie, Alain Berset a sillonné le pays, multiplié les rencontres sur le terrain. Mais sa visite du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe), ce mercredi après-midi, a pris une tout autre dimension au vu du contexte de tension maximale, à quarante-huit heures de décisions du Conseil fédéral aussi cruciales qu’attendues à l’approche des fêtes de fin d’année. Si, lors de l’habituel point presse, le chef du Département de l’intérieur n’a pas dévoilé les annonces de vendredi, son propos a été clair: «Nous n’allons pas dans le sens d’une réouverture, mais plutôt dans le sens de mesures plus strictes.»

Devant les nombreux journalistes présents au Château de Neuchâtel, Alain Berset a insisté sur le message qu’il répète depuis plusieurs jours tel un mantra: il faut absolument éviter «un rebond à très haut niveau». Avec un indice de reproduction de 1,13, l’un des plus élevés d’Europe, la situation sanitaire est préoccupante. Pour le socialiste, «il faut intervenir rapidement et de manière déterminée, afin d’éviter une catastrophe lors de la troisième vague, qui toucherait non seulement le système sanitaire, mais aussi l’économie et la société tout entière».

Risque d’effondrement du système de santé

Alain Berset reconnaît que la situation en Suisse romande est meilleure qu’outre-Sarine, grâce à des décisions fortes prises cet automne. «Mais elle demeure extrêmement fragile», a prévenu le conseiller fédéral, appelant à préserver le personnel soignant. «Ne les laissons pas tomber», a conclu le Fribourgeois. Ces derniers jours, le Conseil fédéral est mis sous pression par le milieu de la santé. Ce mercredi, plusieurs organisations lançaient tour à tour un cri d’alarme. Des appels venant autant des syndicats que des associations patronales, telle H +, la faîtière des hôpitaux suisses. Tous demandent à la Confédération les mesures nécessaires pour faire baisser le nombre de cas, car «le système de santé risque de s’effondrer». De son côté, l’Hôpital universitaire de l’Ile à Berne a fait part de son inquiétude publiquement: 90% des capacités de l’unité de soins intensifs sont désormais occupées.

La veille de ces prises de position du monde médical, c’est la task force Covid-19 de la Confédération qui réclamait, à l’unanimité de ses membres, un nouveau semi-confinement. «Nous ne voyons pas d’amélioration prochaine. C’est le moment d’agir et chaque jour compte», a insisté Martin Ackermann, le président de la task force. Mais difficile de savoir ce que décidera le Conseil fédéral vendredi, car les résistances à de nouvelles restrictions sont également très nombreuses, notamment dans les milieux économiques.

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Mais, selon des informations qui ont filtré dans la presse alémanique, un taux de reproduction de 1,13 placerait le pays au deuxième des trois niveaux de durcissement des mesures, négocié actuellement entre Berne et les cantons. Concrètement, cela voudrait dire fermeture des bars et restaurants, des musées ainsi qu’une réduction du nombre de personnes dans les magasins. Si rien n’est encore décidé, c’est une épée de Damoclès qui plane sur les restaurateurs romands, qui ont pu rouvrir le jeudi 10 décembre (ou le lundi 14 décembre pour les Valaisans).

«Une petite soupape»

Une ouverture des établissements publics que défend aujourd’hui le conseiller d’Etat neuchâtelois Laurent Kurth, chargé de la Santé, également président de la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (Class): «Nous sommes conscients que cela ne pourrait être que temporaire, mais cette petite soupape que nous permettait une dynamique positive – le canton de Neuchâtel a par exemple divisé par quatre le nombre de nouveaux cas – était essentielle après plusieurs semaines de fermeture. Elle montre aux gens que nous les écoutons et fait qu’ils adhéreront plus facilement aux mesures qui seront prises à l’avenir.»

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Dans certains cantons, les autorités attendent néanmoins «avec appréhension» les mesures de la Confédération de vendredi. «Sur le principe, nous sommes favorables à une action coordonnée au niveau suisse, mais tout dépend du délai des annonces», a détaillé Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d’Etat, en conférence de presse. «Une fermeture des restaurants du jour au lendemain serait dommageable pour les secteurs concernés.»

Cacophonie entre les cantons

Reste que, cette semaine, les communications des cantons se succèdent à un rythme effréné, brouillant les messages. D’un côté, Schaffhouse ordonne une fermeture anticipée de ses écoles, d’un autre, Fribourg annonce la réouverture pour vendredi des centres de loisirs (fitness, bowling…). Le Valais a autorisé ce mercredi l’exploitation de 48 sociétés de remontées mécaniques, tandis que Saint-Gall se dirige vers une fermeture complète de ses domaines skiables. Bâle-Ville prolonge son «mini-lockdown» jusqu’au 22 janvier, alors que Zurich traîne les pieds. A tel point que, minorisée, la ministre zurichoise de la Santé, l’UDC Natalie Rickli, a lancé publiquement un appel au Conseil fédéral à prendre des mesures fermes: «Nous n’avons plus le temps.» Sera-t-elle écoutée? Réponse vendredi.

Collaboration: Sylvia Revello