A fin février, le canton de Neuchâtel affichait un taux de chômage de 6,4%. Record national. C’est ainsi depuis la crise des subprimes en 2008-2009. Pourtant – et c’est devenu le «paradoxe neuchâtelois» –, l’économie neuchâteloise se porte bien et crée des emplois. Pourquoi les demandeurs d’emplois ne retrouvent pas de travail?

Désireux d’atténuer, à défaut de corriger «l’anomalie», le ministre de l’Economie et de l’action sociale, le socialiste Jean-Nat Karakash, a lancé une vaste stratégie de réinsertion professionnelle, soumise au Grand Conseil le 21 mars. Pour appliquer les bons remèdes, il fallait un diagnostic précis, détaillé et scientifique.

Il fallait aussi renouer le partenariat avec les employeurs du canton, et leur association faîtière, le Chambre de commerce et d’industrie. Jean-Nat Karakash serrant ostensiblement la main du directeur de la CNCI Florian Németi, c’est un préalable politique important. L’événement s’est produit jeudi matin au Château de Neuchâtel. L’Etat et la CNCI ont donc commandé une étude qui décrypte la «décorrélation» durable entre volume de l’emploi, en augmentation, et taux de chômage, à un niveau très élevé.

Avec trois hypothèses: les demandeurs d’emploi neuchâtelois n’ont pas de qualifications suffisantes pour réintégrer le marché de l’emploi; il y a une très forte concurrence à l’embauche; et les Neuchâtelois sont victimes d’un effet de substitution au profit des frontaliers. Avec d’importantes nuances d’une branche d’activité à l’autre, les deux premières hypothèses sont vérifiées, mais pas la troisième. Sauf quelques cas isolés, les frontaliers ne sont pas engagés au détriment des demandeurs d’emploi locaux, mais parce qu’ils disposent de compétences supérieures et en adéquation avec les besoins des entreprises.

L’étude montre que l’horlogerie (18,4% des emplois à Neuchâtel), bien qu’elle emploie de nombreux frontaliers, n’accentue pas le taux de chômage. Au contraire d’activités tertiaires, comme la restauration ou la vente. L’étude prouve par ailleurs que le marché de l’emploi neuchâtelois est dynamique et que, mois après mois, de nombreux chômeurs retrouvent un job. Particulièrement dans les domaines industriels. Par contre, certains secteurs, comme la restauration, sont pratiquement sans perspective.

L’étude devient ainsi un outil pour réorienter les demandeurs d’emploi vers des secteurs qui embauchent, moyennant des compléments de formation.

En lançant son «new deal pour l’emploi», le socialiste Jean-Nat Karakash veut susciter un partenariat plus fort avec les employeurs. «Il y a une prise de conscience dans les entreprises, fait remarquer Florian Nemetti, avec une volonté d’engager la main d’oeuvre locale. Certes, il subsiste des réglages à trouver avec l’Etat, mais il y a un mouvement favorable.»

Si Neuchâtel a un gros problème avec ses chômeurs à l’employabilité souvent inadéquate, il a aussi un souci avec ses patrons, qui ont longtemps snobé les services étatiques de réinsertion, les jugeant insuffisamment réactifs, procéduriers et ne leur offrant pas les profils demandés. La situation évolue et ce pourrait être un pas important vers la décrue du chômage.